23 août 2024

Les Jeux des grandes premières pour la délégation paralympique française

Une délégation sans précédent et représentée dans tous les sports, une cérémonie hors stade, des sites paralympiques identiques aux sites olympiques, un héritage fort pour le mouvement paralympique... le match retour des Jeux, c’est pour bientôt ! L’occasion de faire le point avec Marie-Amélie Le Fur, présidente du Comité Paralympique et Sportif Français.

CPSF : Plus que quelques jours avant le début des Jeux Paralympiques de Paris 2024, quel est le sentiment qui domine à l’approche du coup d’envoi ?

Marie-Amélie Le Fur : Je sens une forme d’impatience et d’enthousiasme ! Ce sont des Jeux particuliers, à la maison, avec un engouement sans précédent. Cela fait des années que nous travaillons dur. Nous avons mis toute notre énergie pour que le déroulement de la compétition ainsi que le niveau de performance des athlètes français le jour J soient le meilleur possible, mais aussi pour que l’héritage perdure. J’aurais dit aussi un peu de pression parce que nous avons envie que tout soit parfait pour les athlètes, pour les spectateurs mais quand je vois l’engouement sur la billetterie, cette pression disparait et je me dis que le public va être au rendez-vous. De plus en plus de sessions sont complètes, l’offre se raréfie, le Pass découverte Paris Centre à 24 euros qui permettent de se déplacer sur plusieurs sites sont épuisés, il reste le Pass Paris Sud, au même prix, pour assister à différentes disciplines à l’Arena Paris Sud. Cela montre l’engouement populaire. Ces Jeux ont un pouvoir de transformation énorme, sur la société et sur le regard que portent les gens sur les personnes en situation de handicap. J’ai également beaucoup d’attente sur le Relais de la Flamme Paralympique (qui débute le 24 août à Stoke-Mandeville en Angleterre) qui va raviver l’esprit olympique et paralympique dans les territoires. J’ai hâte de voir comment il va prendre, comment les familles vont s’y rendre car lors du relais olympique, j’ai été marquée par le côté intergénérationnel.

CPSF : Comme celle des Jeux Olympiques, la cérémonie d’ouverture des Jeux Paralympiques aura lieu hors stade, qu’est-ce que cela symbolise pour le mouvement paralympique ?

MALF : L’idée est que les Jeux de Paris 2024 fassent date. Pour les Jeux Paralympiques, c’est une grande première ! Jamais la France n’avait organisé des Jeux Paralympiques d’été, il y avait vraiment la volonté d’être au rendez-vous de cet évènement extraordinaire. Voir les athlètes défilés sur l’avenue des Champs-Élysées puis sur la place de la Concorde, avoir une billetterie grand public populaire gratuite qui va permettre à 15 000 personnes d’être au plus près des athlètes du monde entier, c’est extraordinaire ! Je fais vraiment confiance aux équipes artistiques de Paris 2024 pour que la tonalité de la cérémonie d’ouverture soit juste. C’est important car c’est le premier contact, après le Relais de la Flamme, entre les Jeux Paralympiques et les Français. Avoir une tonalité militante, orientée sur la performance et les corps, tout en évitant l’empathie et le pathos que l’on ne veut plus dans le mouvement paralympique, cela permettra d’enclencher une très belle dynamique.

CPSF : Pendant la compétition, les athlètes paralympiques vont concourir sur les mêmes sites utilisés lors des Jeux Olympiques, qu’est-ce que cela représente pour vous ?

MALF : C’est important que les athlètes paralympiques foulent exactement les mêmes arènes sportives. C’est dans la continuité de ce que nous voulions, avoir la même ambition pour les Jeux Olympiques et Paralympiques mais en respectant leur singularité. C’est aussi respecter le travail des athlètes, leur préparation pour en arriver là. D’autant que ces sites sont absolument fabuleux, c’est une première d’avoir des sites de compétition aussi beaux. Ils mettent en valeur le patrimoine culturel français et l’ambition sportive. L’escrime fauteuil et le para taekwondo sont au Grand Palais, le para dressage à Versailles, il y a évidemment les deux arènes mythiques du Stade de France et de la piscine de la Défense Arena, mais aussi Roland Garros qui défie toute concurrence. Qui aurait pensé pouvoir aller un jour à un Roland Garros pour seulement 15€ ? Cela permet à un plus grand nombre de personnes de découvrir ces sites iconiques de la culture ou du sport français, mais surtout d’avoir l’opportunité de vivre ce grand évènement sportif, de découvrir et de supporter des sportifs de haut niveau en situation de handicap.

CPSF : L’Equipe de France paralympique compte 237 athlètes, c’est du jamais vu jusqu’à présent.

MALF : Tout à fait, nous n’avons jamais eu une délégation aussi étoffée, ce sont les Jeux des grandes premières pour la délégation française ! 34% de la délégation est féminine (82 femmes sont sélectionnées), nous ne sommes pas encore parvenus à la parité certes mais c’est une belle amélioration par rapport à Tokyo 2020. Nouveauté également, la France est représentée dans les 22 sports du programme paralympique. C’est la première fois que nous avons une Equipe de France en goalball ou en volley assis. Au delà de cette notion de haut niveau, cela montre aussi que le mouvement paralympique se développe dans les clubs de nos territoires. Si aujourd’hui nous sommes capables d’avoir une Equipe de France dans tous les sports du programme paralympique, c’est aussi parce qu’il y a eu des évolutions structurelles au sein des fédérations, les athlètes sont mieux détectés et mieux accompagnés. Il y a encore beaucoup de progrès à faire mais l’impulsion est donnée. Dans ces Jeux, l’ambition pour la France est de retrouver le top 8, cela nécessite d’aller chercher deux fois plus de médailles d’or qu’à Tokyo 2020.

CPSF : Quels sont les sports dans lesquelles la France peut s’illustrer ?

MALF : Les sports paralympiques les plus pourvoyeurs de médailles sont le para tennis de table, le para cyclisme, la para natation et le para athlétisme. En ce qui nous concerne, l’Equipe de France a de bonnes chances de remporter des médailles dans trois de ces disciplines. Le para cyclisme montre une belle dynamique tout comme la para natation avec ses têtes d’affiche depuis Tokyo 2020, Alex Portal, Ugo Didier ou encore Laurent Chardard. En para athlétisme, il y a une jeune génération qui monte, les athlètes confirmés auront aussi envie d’en découdre. Mais globalement, nous avons la capacité de remporter des médailles dans quasiment tous les sports du modèle paralympique. L’objectif est que chaque athlète donne le meilleur de lui-même, puisse battre ses records personnels, car l’essentiel est de se surpasser, indépendamment du résultat final.

CPSF : Le Club France réouvre ses portes le 29 août prochain dans la Grande Halle de la Villette, parlez nous de son importance dans ces Jeux Paralympiques.

MALF : Nous avions à cœur d’avoir un lieu qui soit dans la continuité des journées paralympiques et qui donne à connaître, de l’intérieur, les valeurs et la plus-value du mouvement paralympique. Le Club France sera le lieu pour se retrouver et pour célébrer les médaillés, ou non médaillés d’ailleurs, aux côtés des parties prenantes (partenaires, fédérations) qui nous ont aidés à concevoir ces Jeux. Au quotidien, elles nous aident à faire en sorte que le sport entre dans le parcours de vie des personnes en situation de handicap. Le grand public et les établissements scolaires vont pouvoir s’immerger dans l’écosystème du parasport. Il y aura des initiations portées par les fédérations, les stands partenaires pour découvrir leur philosophie et les raisons de leur engagement aux côtés de nos athlètes. Des start-ups, qui ont développé des innovations en faveur des personnes en situation de handicap, seront présentes. Une célébration culturelle également parce que les Jeux c’est la fête. On l’a vu lors des Jeux Olympiques, c’est un moment d’union, pour la nation française, pour le monde entier derrière les valeurs du sport qui sont des valeurs universelles et qui, dans le cas des Jeux Paralympiques, porte aussi de grands enjeux sur le respect de la différence, sur la lutte contre les discriminations et sur cette incarnation de la diversité.

CPSF : Vous parlez d’enjeu, ces Jeux Paralympiques vont apporter un héritage fort pour l’accès au parasport en France, qu’est-ce qui est mis en place ?

MALF : Nous avons créé le programme Club inclusif qui a pour but de sensibiliser les clubs de proximité à l’accueil des personnes en situation de handicap. Nous avons constaté deux choses : en décembre 2022, seulement 1,4% des clubs de nos territoires étaient en capacité d’accueillir une personne en situation de handicap, et en moyenne, il faut parcourir 50 km pour trouver un club avec une offre adaptée, donc difficilement tenable sur la durée. Nous avons donc voulu renforcer le maillage territorial de proximité en créant, avec nos deux fédérations spécifiques, handisport et sport adapté, le cahier des charges de cette formation. Nous avons été soutenus par le Ministère des Sports à hauteur de deux millions d’euros pour donner de l’ampleur à ce programme. Plus de cent collectivités sont engagées à nos côtés et ont co-financé un programme de sensibilisation à hauteur de 6000 euros par collectivité et par session de formation. Il y a 2 à 4 jours de formation pour expliquer toutes les typologies de handicap et 6 mois d’accompagnement. Notre objectif est de former 3000 clubs d’ici la fin de la saison 2024-2025. Autour de 1500 sont formés pour le moment au bout d’un an et demi de programme. Cela permet aussi aux clubs de découvrir les autres projets du CPSF, par exemple le programme ESMS&CLUBS, qui vise à favoriser la rencontre d’un club avec un établissement ou service médicaux sociaux, l’enjeu étant de décloisonner ces personnes qui vivent en institution. Le sport peut vraiment être une aide pour l’émancipation de la personne.