3 juillet 2019

EPYG 2019 : Zoom sur la classification internationale

À l’occasion des EPYG 2019, certains sportifs français et notamment des pongistes ont vécu une première classification internationale…. Une étape particulière dont nous ont parlé Benoit Froment, entraîneur de l’équipe de France Sénior de para tennis de table et responsable Jeunes et Constance Amelon-Petit, médecin référent du CPSF…

Qu’est-ce que la classification ?

BF : La classification est la base de toute pratique sportive dans notre mouvement. Celle-ci sert à répartir les athlètes au sein de catégories sportives équitables en fonction de leurs aptitudes et au regard de leur handicap.

Pour le para tennis de table, il existe 10 catégories différentes, des « classes » :

Classe 1 : Atteinte sévère des membres supérieurs, du tronc et un handicap majeur des membres inférieurs.

Classe 2 : Atteinte légère aux bras, un handicap sévère aux mains ainsi qu’un handicap majeur des membres inférieurs et du tronc.

Classe 3 :
» Atteinte légère des membres supérieurs, handicap majeur du tronc au niveau abdominal et des membres inférieurs
» Handicap majeur du tronc au niveau abdominal et des membres inférieurs

Classe 4 : Handicap sévère du tronc au niveau abdominal et un handicap majeur des membres inférieurs.

Classe 5 : Handicap majeur des membres inférieurs.

Classe 6 : Handicap très important des membres inférieurs associé parfois à un handicap important d’un ou des membres supérieurs, avec importantes difficultés dans les déplacements et l’équilibre.

» Handicap sévère des deux bras ainsi que des membres inférieurs
» Atteinte sévère d’un bras et des membres inférieurs
» Atteinte unilatérale d’un membre supérieur, d’un membre inférieur et du tronc (hémiplégie)
» Handicap majeur d’une main et des deux membres inférieurs
» Absence des 2 membres inférieurs

Classe 7 : Handicap associé ou non des membres inférieurs et du bras qui tient la raquette, avec retentissement sur les déplacements et l’équilibre.

» Atteinte légère d’un bras et un handicap sévère des jambes
» Handicap sévère d’un bras et léger des membres inférieurs
» Handicap unilatéral léger d’un membre supérieur, d’un membre inférieur et du tronc (hémiplégie)
» Atteinte sévère d’une jambe
» Absence d’un membre inférieur

Classe 8 : Handicap important sur un ou deux membres inférieurs, qui gêne le déplacement ou un handicap important au niveau du bras jouant.

» Atteinte légère des membres inférieurs
» Atteinte unilatérale légère d’un membre inférieur et d’un membre inférieur et du tronc (ou hémiplégie)
» Petite taille

Classe 9 : Handicap sur un membre inférieur ou sur le membre supérieur jouant ou sur le membre supérieur non jouant qui engendre un déséquilibre.

» Atteinte sévère au niveau du pied et du tibia sur l’une des jambes
» Absence d’un tibia
» Handicap léger à l’un des bras
» Absence d’un bras

Classe 10 : Handicap du bras qui ne tient pas la raquette, mais qui n’entraîne pas un déséquilibre trop important, ou léger handicap d’un membre inférieur permettant un excellent déplacement.

» Atteinte légère d’un pied
» Atteinte légère de la main qui tient la raquette
» Handicap majeur d’un avant-bras
» Absence d’un avant-bras

BF : Les classes sont données à titre indicatif, ce sont des grandes familles de handicap mais certaines pathologies spécifiques ou peu répandues sont catégorisées dans la catégorie la plus adaptée.  Il faut toutefois être attentif aux dossiers médicaux, chaque pathologie est différente et nécessite une étude approfondie du profil afin de classifier de la façon la plus adéquate pour permettre au sportif de concourir en toute équité.

Julien Cigolotti ( Para tennis de table, classe 10)

La classification est-elle la même pour chaque discipline ?

CAP : Non car chaque sport utilise des habilités motrices différentes et donc l’impact du handicap sera différent selon le sport choisi. Par exemple, un athlète amputé d’un membre supérieur en para athlétisme aura un handicap moins pénalisant qu’une amputation de membre supérieur en para natation.  

BF : Chaque sport nécessite une compétence physique différente et de fait, la pathologie du sportif peut parfois être un frein à telle ou telle pratique. Une personne peut être catégorisée dans une « grosse » classe au para tennis de table et se retrouver dans une « petite » classe en para natation.

Comment se passe une classification ?

BF : Le processus de classification est sensiblement le même d’un sport à un autre et dans la plupart des cas il se compose de la manière suivante :

  • Test médical appelé “bench test”
  • Test en situation

Les personnes sont vues par un classificateur médical qui procède à une osculation, à ses cotés il y a un technicien classificateur qui fait jouer le pongiste et qui évalue l’incidence du handicap sur la pratique. L’enjeu étant de différencier ce que l’athlète peut faire et ne peut pas faire ; et non ce qu’il ne sait pas faire.

Tout cela peut se passer en présence du coach. Pour les classifications qui se sont tenues en Finlande, j’ai accompagné les pongistes jusqu‘à la délibération, il m’a ensuite été demandé de sortir de la salle. La classification peut prendre plus ou moins de temps et les discussions peuvent être plus ou moins longues selon la complexité du profil.

CAP : La complémentarité technique et médicale sur une classification est essentielle ! L’examen clinique sur table n’a rien à voir avec l’examen fonctionnel en action, celui-ci ne témoigne pas des capacités de coordination et de mouvements de l’athlète. Parfois certains aspects de la pathologie (troubles de la coordination, spasticité) ne sont absolument pas remarqués sur la table d’examen mais sautent aux yeux lors de l’examen technique.

Il y a deux types de classifications ?

BF : C’est relativement simple, il y a une classification nationale et une classification internationale mais c’est exactement le même principe.
Les sportifs souhaitant se lancer dans un projet de haute performance doivent passer la classification internationale, prérequis obligatoire pour s’aligner sur les compétitions internationales. Une classification nationale reste toutefois une pré-classification ; la classification internationale faisant foi.

Y-a-t-il des règles à respecter pour assurer une bonne classification ?

CAP : Il faut fournir un dossier complet de l’athlète avec une cartographie claire de la pathologie afin d’aider le classificateur à disposer d’un maximum d’éléments pour classifier l’athlète le plus justement possible.

À noter que pour les pathologies dites « évolutives », l’athlète sera amené à avoir plusieurs classifications internationales afin d’observer l’évolution de celles-ci.

Une première classification est –elle importante ? La classification est-elle définitive ?

BF : Une première classification a une importance capitale mais elle n’est pas définitive. À l’occasion des Jeux Européens Paralympiques de la Jeunesse, la commission para tennis de table a emmené des jeunes joueurs en classification (ils avaient tous en dessous de 18 ans) ; ils ont été classifiés provisoirement et seront revus une fois que leur croissance sera terminée (entre 18 et 22 ans).
Mais il arrive aussi que les sportifs soient classifiés définitivement au regard de leur handicap (amputation, pathologie non évolutive…)

CAP : Certaines classifications sont définitives mais pourtant la classification elle-même ne l’est pas donc il faut rester mesurer sur ce terme. Par ailleurs, on parle de plus en plus des bienfaits de l’activité physique, bon nombre d’études ont été publiées à ce sujet et on sait aujourd’hui que pratiquer un sport peut avoir un effet bénéfique sur le handicap. Plus on s’acculture au sport, plus on travaille en actif, plus on s’étire, et plus les amplitudes sont importantes … On peut donc aussi changer de catégories en fonction de la fréquence de pratique… Il faut bien garder en tête que la classification n’est pas un objectif en soi mais plutôt une donnée de base favorisant l’équité de pratique.

De plus, on impute bien souvent les performances ou contre-performances à la classification d’un athlète mais il faut savoir que celle-ci est garante de l’équité et qu’un mauvais résultat n’est pas le fruit d’une mauvaise classification, c’est juste la loi du sport !

Attention, les sportifs essayant de tricher en classification (non expression du potentiel réel) se verront exclure de la classification pour non coopération avec les classificateurs.

La classification elle-même évolue-t-elle ?

BF : Oui ! Avant au para tennis de table, la classification se faisait par pathologie. Un tétraplégique avec peu de triceps était forcément en classe 1 alors qu’un tétraplégique avec l’usage des triceps était en classe 2. Cela a bien évolué et aujourd’hui on ne s’arrête plus uniquement à la pathologie. Les classificateurs sont attentifs aux capacités du joueur, cette approche est à mon sens bien meilleure puisque l’aspect sportif est au cœur de la classification ; on n’est plus simplement dans un examen médical où l’on « case » un athlète en fonction de son handicap. On ne voit plus de choses aberrantes aujourd’hui et ce système est juste.

Et généralement, une révision de la classification est faite à chaque fin de cycle paralympique, tous les 4 ans, afin de toujours s’assurer de l’efficacité et de la justesse de celle-ci.

Faut-il former davantage de techniciens à la classification ? Comment le faire ?

BF : Oui c’est très important de former les entraîneurs. Sur le para tennis de table, on s’en est rendu compte que le simple fait d’avoir des techniciens formés à la classification permettait tout simplement de mieux appréhender ce rendez-vous un peu nébuleux, de bien préparer le dossier médical de l’athlète, de le traduire mais aussi bien sûr de préparer le sportif psychologiquement car c’est parfois une épreuve pénible pour certains.

Des stages de formation à la classification existent. Il faut bien évidemment maîtriser l’anglais pour devenir classificateur international mais les formations et les spécificités divergent d’une discipline à l’autre. L’enjeu est de pouvoir attribuer une classification la plus précise possible sur le territoire national pour éviter toute désillusion pour le sportif lorsqu’il passe en classification internationale.

Avez-vous préparé les jeunes sportifs à cette première classification ?

BF : Oui c’est très important de les préparer à cette première classification car ils appréhendent beaucoup. Ils assimilent cela à l’examen du baccalauréat. Pour vous donner un exemple, j’ai passé en Finlande entre 20 et 30 minutes avec chaque athlète (âgés de 12 à 18 ans) pour les préparer à cette classification.

C’est assez délicat pour eux car certains n’ont pas encore accepté leur handicap, n’ont pas forcément un regard juste sur eux-mêmes, dans le positif ou dans le négatif … Ce sont des aspects auxquels je prête beaucoup d’attention car une première classification peut être traumatisante pour eux, les ramener à des périodes compliquées, surtout si celle-ci ne les contente pas. Je leur demande toujours dans quelle classe ils pensent être : bien souvent avec les jeunes, les réponses sont symptomatiques de l’image qu’ils ont d’eux-mêmes.

Par ailleurs, l’aspect humain est fondamental ! Pour des jeunes athlètes, c’est toujours plus rassurant d’être en face d’un panel de classificateurs à l’écoute. Après, ils restent des juges donc c’est une très mauvaise idée d’arriver en classification avec des revendications et une mauvaise attitude.

Est-ce qu’un athlète peut souhaiter être dans une classe particulière ?

BF : C’est très complexe… Il peut le souhaiter oui, mais cela s’arrête là.
Les jeunes n’ont pas vraiment ce genre de considération mais il arrive en effet que des joueurs plus expérimentés qui ont bien compris les enjeux ou encore des joueurs vieillissants qui sont moins performants aient parfois des désirs de figurer dans telle ou telle classe. Mais finalement cela n’a pas forcément de lien avec le handicap… C’est l’âge tout simplement.
Un pongiste de 40 ans va vraisemblablement moins performer qu’un pongiste qui en a un 20… Vue qui baisse, gestuelle moins explosive, baisse de niveau… c’est d’une logique imparable.

CAP : Il est vrai qu’il faut-être vigilant à différencier les séquelles liées au handicap avec le fait d’être blessé ou de vieillir. Il est humain d’espérer évoluer mais seule la classification décide de l’attribution de la classe.
Et comme dit précédemment c’est la justesse et l’équité qui priment…

Etes-vous toujours d’accord avec le choix d’un classificateur ?

BF : Pas toujours mais il ne faut jamais être dans l’affrontement ni exiger quoi que ce soit d’autant que très souvent, en tant qu’entraîneurs ou athlètes, nous ne sommes pas toujours objectifs… Remettre en cause le choix d’un classificateur peut se comprendre mais c’est complètement stérile. Si vraiment il y a une erreur de commise, les classificateurs revoient leur copie d’eux-mêmes.

CAP : Par ailleurs, qu’un entraîneur garde la tête froide même s’il n’est pas d’accord avec le choix de classification est très important pour l’athlète lui-même. Il est en mesure de le rassurer, de justifier le choix du classificateur de façon mesurée et ainsi ne pas conforter le joueur dans son mécontentement. C’est très important !

Athlètes classifiés lors des EPYG 2019 :

Para tennis de table

Morgen CAILLAUD (Classe 6)
Julien CIGOLOTTI (Classe 10)
Edgar EMPYS (Classe 8)
Camille KNITTEL (Classe 9)
Baptiste LENNE (Classe 7)
Robin LOTTON (Classe 8)
Hugo NOU (Classe 5)

Boccia

Lilian BEAUDA (Bc1)
Erwan DESMOLIENS (BC5)
Jules MENARD (BC3)
Mathilde TROUDE (BC3)

Para judo

Youssef EL HIRECH (B3) avec review dans 4 ans
Jérémy LEFEVRE (B2) avec review dans 4 ans

Crédit photos : G MIRAND