EPYG 2019 : Serge ROBERT, spécialiste de athlétisme fauteuil
Ancien athlète de haut niveau et figure phare de la discipline, Serge ROBERT consacre désormais sa passion à la détection et à la formation des jeunes ! Présentation…
Pouvez-vous vous présenter ?
Je suis Serge Robert, entraîneur fédéral à la commission para athlétisme de la FF Handisport, en charge du suivi et de la détection des jeunes ; je suis également référent formation. Je suis un ancien athlète de haut niveau (1992 – 2000), j’ai fait les Jeux Paralympiques de 1996 (Atlanta). À la fin de ma carrière, j’ai passé le Brevet d’Etat et j’ai intégré l’encadrement de la discipline, en 2001, quand Patrice Gergès (l’actuel DTN de la FF Athlétisme) a été nommé Directeur Sportif de cette commission. À l’époque, la pratique de l’athlétisme fauteuil étant peu répandue en France donc j’ai assez naturellement été intégré dans l’équipe pour apporter mon expertise sur cette discipline particulière. Quand j’ai commencé, la problématique n’était pas encore liée à la détection et à la formation des jeunes mais plus à l’encadrement des athlètes de haut niveau… mission qui a duré 15 ans, jusqu’aux Jeux Paralympiques de Rio en 2016. J’ai ensuite voulu céder la place pour qu’il y ait un peu de renouvellement dans cette discipline. Puis la pratique a commencé à plafonner un peu un nombre trop faible de nouveaux athlètes alors j’ai souhaité me concentrer sur la détection.
Où en est la pratique du para athlétisme fauteuil en France ? Y-a-t-il de la détection ?
Cette discipline, aussi belle qu’elle soit, souffrait malheureusement d’un manque important de représentation, il devenait nécessaire d’aller chercher de nouveaux talents, d’assurer la relève. Fort heureusement, il y a un renouveau de la discipline, qui est particulièrement dû au travail mené par la Fédération Française Handisport autour de la politique Jeunes. Grace à la multiplication des évènements de détection, les challenges régionaux et nationaux (je pense particulièrement aux stages JAP – Jeunes à potentiels) où l’on a commencé à voir arriver des petits jeunes avec l’envie et le potentiel pour faire de la course en fauteuil. Faire de la détection des jeunes un objectif majeur nous a été très salutaire : cela a posé un cadre, a rendu la détection bien moins aléatoire.
Quels sont les freins que vous rencontrez aujourd’hui ?
Je pense que le plus grand frein reste encore la méconnaissance du sport, qui donc fait que les spécialistes de la course fauteuil en France sont très peu nombreux ; cela n’aide pas à dynamiser la discipline ni à assurer une couverture territoriale suffisante. Le réseau de référents demeure encore très fragile et il faut pouvoir former les structures à ce sport pour assurer l’accompagnement des pratiquants. Bien souvent, je suis amené à faire le lien directement entre le sportif et la potentielle structure d’accueil pour être sûr que le sportif puisse pratiquer près de chez lui et soit accompagné. Même si la demande augmente significativement, je refuse de perdre un potentiel pratiquant parce que l’accès à ce sport est compliqué… Mais de manière générale, les choses se développement, et l’athlétisme fauteuil connait un nouveau souffle !
Peux-tu nous présenter cette discipline ? Quel accompagnement nécessite-t-elle ?
L’athlétisme fauteuil était il y a 20 ans le sport phare ! 80 % des athlètes paralympiques étaient en fauteuil et donc ils se dirigeaient soit vers le basket fauteuil soit vers la course en fauteuil. J’ai connu l’époque où cette discipline était la plus représentée en para athlétisme… ce qui a bien changé depuis. La course fauteuil est un sport intégré au para athlétisme, avec des spécificités mécaniques et l’on retrouve régulièrement sur les pistes des anciens routards (para cyclisme, marathons). Ce sport s’adresse aux amoureux de la vitesse et surtout, le fauteuil, cet engin de course un peu futuriste attire les curieux qui généralement se prennent rapidement au jeu. C’est aussi pour ces raisons que l’on voit arriver des jeunes… En compétition sont au programme les courses de sprint, demi-fond et fond (100m, 200m, 400m, 800m, 5000m, 15 000m. Pour la route, la course officielle est le Marathon de Paris.
Est-il possible de s’entraîner seul ?
Oui c’est possible mais ce n’est pas idéal. Ce sport est spécifique et doit être bien accompagné ; il est un sport de confrontation et généralement les athlètes qui débutent ce sport aiment « se tirer la bourre ». Il y a peu de structures adaptées en France donc en général les pratiquants se tournent vers le club local pour bénéficier d’une installation; le problème étant qu’il n’y a pas l’accompagnement qui va avec : rares sont les encadrants ayant une expertise sur l’athlétisme en fauteuil. De plus, ils se retrouvent esseulés, sans dynamique de groupe et sans personne pour évoluer avec eux sur ces temps de pratique… ce qui est gênant pour une activité de confrontation. Cette situation débouche bien souvent à l’abandon et nous perdons des potentiels pratiquants du fait de ce manque d’expertise et d’accompagnement.
Quelles sont les catégories ?
Grossièrement les athlètes sont catégorisés de la manière suivante :
T33 : Personnes présentant un handicap moteur consécutif à une lésion cérébrale avec potentiel de mouvements homogènes dans la catégorie.
T34 : Personnes présentant un handicap moteur consécutif à une lésion cérébrale avec potentiel de mouvements homogènes dans la catégorie. Correspond généralement à une atteinte légère des membres supérieurs et du tronc et un handicap sévère des membres inférieurs.
T53 : Personnes présentant un handicap total des membres inférieurs et du tronc.
T54 : Personnes présentant une atteinte totale des membres inférieurs, absence d’un ou des membres inférieurs.
Pouvez-vous nous parler du fauteuil de course et du placement du coureur ?
Ce fauteuil est un fauteuil manuel, sans aucune assistance mécanique. Les roues sont propulsées par des mains courantes. Ce fauteuil a connu un certain nombre d’évolutions : les roues, au nombre de quatre au départ sont passées à trois ; celles-ci se sont progressivement agrandies contrairement à la main courante qui elle a été réduite pour davantage de propulsion. L’assise s’est faite de plus en plus basse, avec des sangles, pour faire corps avec le fauteuil et aller plus vite. Le fauteuil s’est progressivement allongé permettant plus de vitesse et de stabilité. Sur un fauteuil de course, il y a deux guidons dont un appelé « correcteur de courbe ». Celui-ci est spécifique à la piste et permet de donner un angle à la courbe. La position du coureur a elle-aussi évolué : de la verticale, nous sommes passés à l’horizontale, sur une position couchée vers l’avant… cette position favorisant la biomécanique des bras et donc la propulsion. Le fauteuil est conçu sur mesure et doit parfaitement épouser le corps de l’athlète. Il faut savoir qu’un fauteuil de course parfaitement adapté n’a presque pas besoin d’être sanglé. L’objectif est vraiment que le fauteuil réagisse au moindre mouvement du sportif et que celui-ci puisse corriger instantanément la moindre irrégularité. Il y a une position théorique pour être performant dans un fauteuil mais avant tout, il faut que l’athlète soit bien installé, bien maintenu. L’idéal est d’être sur les genoux, placé à l’horizontale mais une personne qui ne peut s’installer de cette manière se voit adapter son assise pour un meilleur confort.
L’acquisition d’un fauteuil est-elle onéreuse ? Est-il facile de se procurer un fauteuil ?
Pour pratiquer c’est bien souvent un club, une association, un comité qui met à disposition ou aide au financement du fauteuil. En tant que référent, je suis souvent sollicité pour cela et je fais appel au réseau pour faciliter le prêt ou l’achat d’un fauteuil ; en fonction du type de pratique et des moyens du pratiquant. Malheureusement aujourd’hui nous n’avons plus de fabricants français ; nos revendeurs référents ont arrêté de fournir l’Europe donc nous sommes contraints de commander les fauteuils et les pièces directement sur internet donc les personnes cherchant à se procurer du matériel ne savent pas toujours vers qui se tourner. Bien souvent les sportifs font appel à moi pour faire des fiches de mesures et faciliter l’achat de matériel.
Sur cette compétition, la discipline est bien représentée ?
Oui elle l’est puisque nous avons 3 coureurs ici en Finlande. Notre sport est fastidieux et long, il nous faut du temps pour amener les sportifs au plus haut niveau ; leur jeune âge est un atout puisque nous allons pouvoir travailler avec eux sur du long terme.
Quels étaient les objectifs pour eux ?
Je voulais tout simplement qu’ils vivent les émois d’une compétition internationale et bien sûr qu’ils se mesurent à des jeunes de leurs âges ! Je voulais aussi qu’ils se mettent dans un cadre de compétition avec tout ce que cela comporte : le stress, l’appréhension… Il fallait qu’ils se rendent compte par eux-mêmes de la réalité d’une compétition internationale et qu’ils se mettent en conditions physiques et mentales. Au-delà de la performance, il faut prendre en compte des éléments annexes tels que la gestion du stress, la présence d’un public, une situation inattendue, la confrontation avec la concurrence ou encore la vie en groupe, loin des familles… Il était aussi important pour eux de se retrouver, de se sentir intégrés à un collectif, dans une vraie dynamique d’équipe. Le fait de visualiser était aussi essentiel pour leur entraînement à venir. Ils devaient, en venant ici, franchir un cap. Et puis nous sommes satisfaits car les résultats ont suivi par ailleurs.
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Crédit photos : G MIRAND / CPSF