21 novembre 2023

Tanguy De La Forest, co-fondateur de “Défi RH”

Dans le cadre de la 27ème Semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées (SEEPH) qui a lieu du 20 au 26 novembre 2023, Tanguy De La Forest, athlète de haut niveau en para tir sportif et secrétaire général du CPSF, a répondu à nos questions sur l’emploi des personnes en situation de handicap (PSH).

Portée par LADAPT, l’Agefiph, et le FIPHFP, la SEEPH est un rendez-vous annuel pour s’interroger sur les différents dispositifs mis en place pour faciliter l’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap. Pour la 27ème édition, le thème est « La transition numérique : un accélérateur pour l’emploi des personnes en situation de handicap ? ». Tanguy De La Forest, en plus de sa casquette d’athlète de haut niveau en para tir sportif et de son engagement associatif au côté du CPSF et du COJO Paris 2024, est entrepreneur. Il a co-créé, en 2006, un cabinet de recrutement spécialisé pour les personnes en situation de handicap intitulé « Défi RH ».

CPSF : Bonjour Tanguy, tu es co-fondateur de « Défi RH », un cabinet de recrutement spécialisé pour les travailleurs en situation de handicap. Peux-tu nous raconter ton projet ?

Tanguy De La Forest : En 2006, avec ma sœur, Patricia, et un 3e associé, Xavier, on a décidé de se lancer dans la création d’un cabinet spécialisé dans le recrutement des personnes en situation de handicap lorsque la loi du 11 février 2005 est sortie. Cette loi oblige une entreprise de plus de 20 salariés à avoir plus de 6% de travailleurs en situation de handicap. Si elle n’en a pas, elle doit payer une contribution. « Défi RH » n’est pas un gros cabinet, on a 8 collaborateurs à ce jour, et on se spécialise vraiment dans le recrutement de tout type de PSH, de tout profil mais plus particulièrement des profils de personnes un peu plus expérimentées ou diplômées. « Défi RH » fonctionne comme un cabinet classique, c’est-à-dire qu’une entreprise sollicite le cabinet et lui demande de trouver des profils correspondant au poste et à leur besoin. Le cabinet va ensuite mener sa recherche de candidats, on appelle ça le « sourcing ». Le cabinet fait une préqualification téléphoniques sur les profils choisis, et propose à certains de passer un entretien soit en présentiel soit en visio selon les conditions de chacun. A la suite, le cabinet fait une présentation des profils sélectionnés à l’entreprise en fonction des compétences mais également de l’environnement de travail. En effet, aujourd’hui lorsque l’on parle de travailleurs en situation de handicap, il est important de pouvoir échanger sur les contre-indications par rapport à un poste et aux aménagements nécessaires en fonction des typologies de handicap.

Pourquoi est-il intéressant de recruter une personne en situation de handicap ?

T.DLF : Bien évidemment, pour les entreprises il y a cette contribution qui existe et qui sera réduite avec le recrutement d’un travailleur en situation de handicap mais ce n’est pas le seul intérêt aujourd’hui. Lorsque l’on recrute un travailleur en situation de handicap, on le recrute bien sûr pour ses compétences avant tout, mais il peut aussi apporter de la diversité au sein de l’entreprise. Il va peut-être apporter un parcours de vie que d’autres profils n’ont pas forcément, une maturité développée, une productivité un peu plus élevée… En effet, certains travailleurs en situation de handicap veulent prouver qu’ils sont capables de faire comme tout le monde malgré leur handicap, ce qui les amènent parfois à être plus productifs. Des chiffres montrent qu’il y a moins d’absentéisme chez les PSH. D’autre part, une personne en situation de handicap a tendance à peu se plaindre des petits tracas de la vie quotidienne, et sa présence incite les collaborateurs à également moins se plaindre car elle donne comme un “bel exemple de la vie”. C’est une vraie richesse pour l’entreprise de recruter une personne en situation de handicap, en complément de ses compétences.

La loi de 2005 a donc permis un bel élan de recrutement des personnes en situation de handicap, qu’en est-il aujourd’hui ? 

T.DLF : Je n’ai pas les statistiques mais ce qui est certain, depuis 2006, il y a eu un élan des entreprises avec des vrais plans et projets de leur part. Des emplois spécialisés pour l’accueil et l’intégration des PSH se sont créés, ce qui n’existait pas ou très peu avant. Cela aussi a permis d’avoir une reconnaissance au sein des entreprises, des personnes non déclarées en situation de handicap ont commencé à se déclarer. Il y a eu un vrai élan pendant 5-10 ans. Aujourd’hui cela fait près de 20 ans, on est un peu dans une phase de stagnation. C’est dommage car il y a de plus en plus de profils de travailleurs en situation de handicap qui se forment, les écoles et les formations sont de plus en plus accessibles à tous, ce qui permet vraiment d’avoir plus de profils expérimentés et diplômés. Un des conseils à donner pour relancer cette dynamique serait de faire de la communication de temps en temps mais aussi de sensibiliser et de former les managers chargés de recrutement. Par exemple, dans notre cabinet “Défi RH”, on fait aussi des formations et des actions de sensibilisations notamment avec un dispositif appelé “Les défis conf‘” où 5/6 intervenants, conférenciers en situation de handicap, viennent sensibiliser les entreprises. Ce format marche d’ailleurs très bien.

Penses-tu que les Jeux Paralympiques de Paris 2024 vont faire évoluer les politiques d’entreprises et permettre le recrutement des PSH ?

T.DLF : Oui, je suis assez persuadé que le sport fait évoluer les mentalités. Je donne très souvent un exemple en disant qu’il y a une trentaine d’années quand on parlait de moi on disait “Tanguy en situation de handicap” alors qu’aujourd’hui on évoque “Tanguy, athlète de haut niveau, avec une spécificité qui est le handicap“. Le changement est radical. Dans le monde du recrutement, on commence aussi à le voir, on ne voit plus la personne en situation de handicap mais ses compétences avant son handicap. Avec les Jeux de Paris 2024, il y a une médiatisation grandissante, et on ressent une vraie volonté des entreprises qui veulent profiter de cet évènement en devenant mécènes et/ou sponsors d’athlètes paralympiques. De plus en plus d’entreprises, notamment à travers le Pacte de Performance, souhaitent soutenir des athlètes. Si les Jeux sont une réussite, c’est sûr que ça va créer une éminence de recrutement par derrière, même chez les personnes en situation de handicap non athlètes. Il faut aussi souligner que Paris 2024 va avoir de nombreux profils bénévoles en situation de handicap.

Cette semaine est une semaine particulière pour le monde du travail et le recrutement des PSH, comment es-tu impliqué ? 

T.DLF : Je suis triplement impliqué : à la fois avec les entreprises qui me suivent, à la fois avec ma fédération sportive mais aussi avec mon cabinet de recrutement. Je peux difficilement répondre à toutes les sollicitations par priorité à la préparation aux Jeux de Paris 2024 mais c’est une semaine très importante. Attention car beaucoup entreprises mènent des actions cette semaine mais justement ne font pas assez pendant le reste du temps. Il ne faut pas uniquement parler de ce sujet cette semaine, même si c’est bien au niveau médiatique, mais ça reste un travail au quotidien.

Cette année le thème est “la transition numérique : un accélérateur pour l’emploi des PSH”, qu’en penses-tu ? 

T.DLF : Je suis assez d’accord avec ça. Il y a une difficulté aujourd’hui pour certains profils notamment du côté de la mobilité, du déplacement. Avec la crise sanitaire, le cadre du travail a bien évolué et a accentué le télétravail, c’est évidemment un avantage pour les entreprises pour trouver des profils qu’elles n’auraient pas pu approcher à cause d’un éloignement géographique mais aussi pour les PSH qui n’auraient pas pu proposer leur CV à ces entreprises. La transition numérique peut être extrêmement intéressante, il y a un intérêt à tous. D’ailleurs, du côté Défi RH on le voit aussi dans la participation aux salons de recrutement. Avant ils avait tous lieu en présentiel, aujourd’hui, ils se déroulent aussi en visio, on arrive à toucher plus de monde et donc à trouver plus de profils correspondant aux offres qu’on nous propose.