21 août 2016

Rencontre avec Michaël Jérémiasz, porte drapeau paralympique

Michaël Jérémiasz, tout jeune papa, sportif passionné, ambassadeur de valeurs fortes et médaillé à 4 reprises aux Jeux en tennis, dont l’or en double à Pékin en 2008 sera le porte-drapeau de la Délégation française paralympique lors de la cérémonie d’ouverture le 7 septembre prochain au Stade du Maracanã. Rencontre…

Que représente ce rôle de porte-drapeau pour toi ?

C’est tout d’abord une belle surprise et un beau cadeau que m’a fait le CPSF. C’est un honneur et une immense joie pour mes quatrièmes et derniers Jeux Paralympiques d’emmener cette magnifique équipe de France Paralympique à Rio. C’est un rôle de porte-parole également, auprès des médias bien sûr mais aussi auprès de nos instances nationales et internationales. Je ressens ça aussi comme une responsabilité. Pas pesante, sinon je n’aurais pas accepté mais lourde de sens. J’ai envie d’être au plus proche de tous les athlètes qui composent la délégation française. Voir les yeux briller de ceux et celles qui vont vivre cette expérience incroyable pour la première fois mais aussi avec les anciens et les anciennes comme moi.

D’autres sportifs auraient pu tenir ce rôle, je considère avoir une chance énorme. C’est une grande fierté. C’est donc une formidable occasion pour continuer à porter mes combats : pour plus de sport paralympique dans les médias, et pas uniquement tous les 4 ans, mais surtout continuer à sensibiliser le grand public sur la réalité du quotidien des personnes handicapées et contribuer à faire que la minorité à laquelle nous appartenons ne soit plus discriminée.

Quelles sont les qualités d’un bon porte-drapeau ?

Je dirais l’écoute, le partage, l’expérience, la disponibilité et l’engagement bien au-delà du sport, qui pour moi est une qualité essentielle.

 

Cela ajoute-il une pression supplémentaire, en plus de l’enjeu sportif ?

Non, pas du tout. En fait, à la seconde où mon fils est né (NDLR : Michaël est Papa d’un petit Mylo né le 16 mars dernier), toute la pression que je pouvais ressentir auparavant concernant ma carrière, ma retraite sportive, mon avenir, toute cette pression négative s’est envolée d’un coup. La pression n’est plus là, mais l’envie, elle, est toujours bien là.

Désormais, tout ce qui m’arrive ce n’est que du bonus et ce rôle de porte-drapeau en fait partie. Ça n’arrive qu’une fois dans la vie, comptez sur moi pour profiter de cette expérience à chaque instant. Donc, si en plus, je remportais une cinquième médaille paralympique, alors cette année 2016 sera vraiment incroyable, sans doute la plus belle de toute mon existence.

Cela change-t-il ton approche de ces Jeux de Rio ?

Cela les rend encore plus excitants ! J’ai la sensation de déjà vivre l’expérience de Rio avant même d’être parti. Et puis, tenir ce rôle me permet d’être moins centré sur moi, mon projet sportif pur, c’est quelque-chose de bien. Je me mets au service des autres.

Quelles sont tes ambitions pour le tournoi de tennis ?

Je suis quelqu’un de gourmand, alors je vise une dernière médaille. J’ai remporté des médailles à tous les Jeux auxquels j’ai participé, donc finir sur un podium serait formidable.  Que je l’aie en simple ou en double ne change rien à la valeur qu’aurait cette médaille. Au contraire, gagner en double, dans un sport individuel a une saveur particulière, ça fait du bien.
Et puis, après Rio, j’ai prévu de participer à un dernier tournoi, début novembre aux masters de double en Californie. Je l’ai remporté en double l’année dernière avec Gordon Reed, je lui avais promis de clôturer ma carrière avec lui sur ce même tournoi. Le 5 novembre 2016, je serai alors officiellement retraité !

Qu’attends-tu de l’équipe paralympique 2016, es-tu confiant ?

Je suis optimiste, je crois beaucoup en ce collectif. Notre équipe de France Paralympique est soudée et performante, j’ai pu le vérifier de nombreuses fois en trois paralympiades. Elle a le potentiel de ramener de nombreuses médailles. Cette équipe de France Paralympique me renvoie toutes ces belles images de soutien, de partage, de solidarité d’une discipline à l’autre.

100 heures de direct sur France Télévisions, c’est une vraie avancée ?

Oui c’est une avancée considérable. 10h de direct par jour offertes aux téléspectateurs.
En 2004, nous avions seulement quinze minutes en différé, en 2008 pas beaucoup plus, en 2012 en revanche, il y a eu un vrai changement, grâce au lobby de nombreuses associations, de beaucoup de sportifs, dont je faisais partie, auprès de France Télévisions notamment.

A Sotchi on l’a vu, ça marche, il y a eu des records d’audience sur France 4. Le sport paralympique c’est spectaculaire ! Et, pour l’avoir vécu de l’intérieur aux Jeux Paralympiques d’hiver de Sotchi, je peux vous dire que nous avons la chance d’avoir des journalistes et consultants passionnés tels que Alexandre Boyon, David Sandona, Laurent Luyat, et en plus nous avons Patrick Montel, alors il ne peut rien nous arriver !

Quelques mots sur ton engagement militant, ton association ?

J’ai pris conscience, après avoir eu la chance de devenir joueur de tennis professionnel, de la chance que j’avais. J’ai fait le constat d’être un privilégié, j’ai accès à l’emploi, au logement, à la culture, aux loisirs, à l’amour, à la parentalité…. Aujourd’hui, le fait d’avoir accès à tout ça et d’avoir cette liberté, me permet d’être quelqu’un de profondément heureux. Cette prise de conscience, j’ai eu envie de la partager avec d’autres. Par rapport à mon éducation, à ma façon de voir la vie, j’encourage les autres à prendre conscience de toutes les choses dont ils bénéficient au quotidien.

Fin 2010, avec ma femme et mon grand frère, nous avons voulu créer une association pour personnes handicapées. C’est alors que nous avons fondé ensemble « Comme les autres », une association qui propose à des personnes handicapées, suite à un accident de la vie, un accompagnement dans leur parcours de reconstruction à travers notamment la pratique d’activités sportives à sensations fortes. Mais je précise que mon engagement n’est pas qu’associatif, il est au quotidien, quand je rencontre des gens, quand je fais des conférences en entreprises ou dans des écoles, des interventions dans les médias… Je me considère comme un citoyen engagé et humaniste.