Portrait du mois : Frédéric VILLEROUX, capitaine de l’Équipe de France de football à 5
Frédéric VILLEROUX est le capitaine de l’Équipe de France de football à 5 qui s’est récemment qualifiée pour les prochains Jeux Paralympiques de Tokyo en 2020. Décryptage…
Comité Paralympique et Sportif Français : Comment avez-vous découvert le football à 5 ?
Frédéric VILLEROUX : « Je suis malvoyant et c’est en 1998 que j’ai pu découvrir cette belle discipline. Grâce à mes collègues d’école qui pratiquaient ce sport sous sa forme Futsal, j’ai pu y faire mes premiers pas (catégorie B2-B3).
Il faut savoir qu’en football à 5, il y a plusieurs catégories :
- B1 : joueurs évoluant avec un bandeau sur les yeux et un ballon sonore,
- B2-B3 : Futsal adapté pour malvoyant.
Ce qui m’a tout de suite séduit dans ce sport, c’est le jeu collectif. J’ai grandi dans un milieu davantage tourné vers le rugby mais le fait de pouvoir pratiquer un sport collectif, en étant avec mes amis, m’a beaucoup attiré. Petit à petit, j’ai appris à aimer le foot grâce notamment à mon formateur. Trouver le bon éducateur sportif a été une vrai révélation pour moi. Il m’a formé en me transmettant sa passion pour ce sport. Il a joué un rôle primordial pour moi. »
CPSF : Pouvez-vous nous présenter les spécificités de cette discipline ?
Frédéric VILLEROUX : « C’est avant tout du football mais qui se pratique avec des outils adaptés :
- le ballon est sonore afin de le repérer dans l’espace puisque nous avons les yeux bandés.
- Il y a quatre joueurs de champ non-voyants et un gardien voyant.
- Le terrain fait 40m de long et 20m de large où il y a trois zones d’informations distinctes :
- la zone défensive où le gardien donne des informations à sa défense.
- La zone centrale où le coach va pouvoir distiller ses conseils.
- Enfin la zone d’attaque avec, derrière le but adverse, un guide qui donne des informations complémentaires pour marquer.
- Ce terrain est muni de barrières sur toute la longueur du terrain. Elles augmentent la vitesse du jeu en évitant les sorties de balles et surtout, elles sont primordiales pour nous repérer dans l’espace.
- Le match est composé de deux périodes de vingt minutes “temps arrêté ». Les rencontres peuvent donc durer entre 1h30 et 1h45.
- Il y a deux arbitres présents sur le terrain. »
CPSF : Ces spécificités rendent-elles l’accessibilité à la pratique du football à 5 complexe ?
Frédéric VILLEROUX : « Depuis 2009, avec mon club, nous allons nous entraîner dans les “soccers″ où nous pouvons nous rapprocher le plus possible de la réalité du football à 5. Les terrains sont certes plus petits mais cela nous permet d’avoir davantage de repères que si l’on pratiquait sur un grand terrain.
Petit à petit, notre fédération de rattachement, la Fédération Française Handisport, a œuvré en faveur du développement et de la structuration notre discipline. Elle a récemment investi dans des barrières pour les stages de l’Équipe de France ou même les compétitions.
Cette structuration nous aide énormément à évoluer et les clubs l’ont bien compris. La plupart d’entre eux vont se dotent d’un jeu de barrières pour permettre à la pratique de se rapprocher le plus possible de la compétition et ainsi faire progresser la discipline. »
CPSF : Vous rappelez-vous de votre première sélection en Équipe de France de football à 5 ?
Frédéric VILLEROUX : « J’ai rapidement eu la chance de m’entraîner avec Toussaint AKPWEH, le sélectionneur actuel de l’Équipe de France.
J’ai débuté le Cécifoot en catégorie B2-B3 et c’est lui qui m’a proposé de changer de catégorie pour basculer en catégorie B1, à cause de mes trop grandes difficultés visuelles.
En 2003, j’ai participé à mes premiers matchs dans cette nouvelle catégorie lors de la seule édition de la Ligue des Champions disputée en France. Édition que nous avons d’ailleurs gagnée.
Quelques mois après, il y avait les Championnats d’Europe à Manchester, compétition qualificative pour les Jeux Paralympiques d’Athènes de 2004. C’est à cette occasion que j’ai pu découvrir le niveau international avec ma première sélection en Équipe de France. »
CPSF : En 2012, à Londres, vous devenez vice-champion paralympique. Quel souvenir gardez-vous de cette aventure ?
Frédéric VILLEROUX : « Avant tout, cette paralympiade a été une formidable aventure humaine !
Depuis 2005-2006, le collectif France travaillait ensemble. Nous avons été Champions d’Europe en 2009 et en 2011. Ces deux titres, en plus des 5e places aux Coupes du Monde de 2006 et 2010, ont démontré que le groupe vivait bien et était performant.
Nous faisions partie des nations attendues pour aller chercher une médaille mais honnêtement, on ne se voyait pas aller jusqu’en finale. Le sélectionneur et le staff ont sû trouver les ressources nécessaires pour que l’équipe atteigne cette dernière marche.
La victoire contre l’Espagne en demi-finale a été un des moments les plus forts de la compétition. Nous l’avons emporté 2-0 en faisant un match complet. Quelle joie de rejoindre le Brésil en finale !
Malheureusement, nous avons perdu cette finale. Physiquement, nous avons subi cette rencontre face à une équipe du Brésil qui avait une profondeur de banc bien plus conséquente. Les différences se sont faites sur des détails et je pense que ce jour là, nous n’avons pas su contrôler tous les paramètres.
Mais cet événement restera bien évidemment un des événements marquants de nos carrières de sportifs. »
CPSF : Après une période difficile pour le football à 5 français, vous êtes récemment revenus au premier plan lors des Championnats d’Europe à Rome. Quel bilan faites-vous de la compétition ?
Frédéric VILLEROUX : « En amont et pendant la compétition, le groupe a travaillé en osmose avec des joueurs expérimentés et des joueurs plus jeunes.
Individuellement, tous les joueurs se sont entraînés durement et notamment pour renforcer la condition physique. L’ouïe étant très importante dans notre sport, si nous n’avons pas cette capacité à enchaîner les efforts, c’est très compliqué. Quand nous sommes fatigués, on s’entend respirer, on entend les battements de notre cœur et cela déstabilise totalement notre perception dans l’espace.
On a tous progressé sur des sujets techniques, tactiques, mentaux pour aboutir à cette performance.
Nous sommes arrivés à Rome sans penser à cette possible qualification pour Tokyo. Entre une 15e place à la Coupe du Monde en 2015 et une seconde place aux Championnats d’Europe en 2019, il y a une sacrée différence ! Ce n’est pas un exploit mais cela récompense le travail réalisé en amont.
Nous avons assumé nos derniers mauvais résultats et la fédération nous a aidés avec une augmentation du nombre de stages, des moyens humains ou encore financiers supplémentaires. Aujourd’hui, c’est une réelle fierté de pouvoir représenter la France lors prochains Jeux Paralympiques à Tokyo, nous les grands absents des Jeux de Rio en 2016.
Toutes les équipes progressent à l’approche de cette compétition majeure, le chemin est encore long avant de prétendre à une nouvelle médaille paralympique à Tokyo. »
CPSF : Quelles vont-être les étapes jusqu’aux Jeux Paralympiques de Tokyo 2020 ?
Frédéric VILLEROUX : « Pour le moment, nous sommes en pleine structuration du Championnat de France. Nous devons clarifier le calendrier entre le championnat et la coupe de France avant de finaliser les dates des rassemblements pour l’Équipe de France. »
CPSF : La France accueillera les Jeux Olympiques et Paralympiques en 2024. Une belle opportunité pour votre discipline ?
Frédéric VILLEROUX : « Je suis fier que mon pays accueillent les Jeux en 2024. Depuis peu, j’ai intégré le staff de l’Équipe de France espoir de football à 5. Aux côtés de Rémi CARRANGER, le sélectionneur, j’essaie d’apporter toute mon expérience de joueur international sur les prises d’informations et notamment, au niveau des différents repères sonores ou d’espaces.
C’est très gratifiant pour moi de pouvoir partager avec la nouvelle génération. Le football à 5 est vecteur de lien social, d’autonomie pour les personnes atteintes de déficience visuelle. Les repères acquis sur le terrain peuvent être retranscris dans la vie quotidienne.
Notre objectif commun est donc aujourd’hui de détecter des talents et de former la future génération afin de les préparer à cette magnifique échéance que sont Jeux Paralympiques de Paris 2024. Par ailleurs les Jeux de Paris offriront une visibilité unique sur notre sport »
Contacts & infos :
FF Handisport / Cécifoot
Charly SIMO : cecifoot@handisport.org
Crédit photos : G Picout / CPSF