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Le mouvement sportif se mobilise pour faire de la santé mentale des athlètes une priorité

À l’occasion de la Journée mondiale de la santé mentale, ce vendredi 10 octobre, le Comité national olympique et sportif français (CNOSF), le Comité paralympique et sportif français (CPSF), l’Agence nationale du Sport (ANS) et l’INSEP lancent, en lien avec le ministère des Sports, leur plan d’actions conjoint pluriannuel pour la santé mentale des athlètes.

Non seulement ce sujet ne doit plus être tabou, mais il est un sujet clé, qui doit être reconnu et assumé comme tel dans l’accompagnement des athlètes. Un sujet sur lequel les acteurs disposent désormais de données d’enquête étayées, qui continueront à s’enrichir, et passent aujourd’hui à l’action de manière concrète et coordonnée.

Ce travail a bénéficié de l’appui et de la contribution de la Commission des athlètes de haut niveau (CAHN) du CNOSF qui a mis en place un groupe de travail dédié à la santé mentale1 et a permis de faire remonter de manière fine les besoins des athlètes, à la fois pendant et après leur carrière. Il s’appuie également sur la dynamique du premier séminaire consacré à la santé mentale dans le sport organisé conjointement par le CNOSF, le CPSF et le comité du Fair Play, le 21 mai 2025, clarifiant les notions, mettant en exergue les besoins et valorisant les actions existantes dans l’écosystème. Côté Paralympique, ce travail sera renforcé en fin d’année par les enquêtes conduites auprès des athlètes et staff des Jeux Paralympiques de Paris 2024 et les contributions de sa commission des athlètes nouvellement réélue.

Ce plan d’actions conjoint s’appuie sur des données chiffrées et sur un diagnostic : le retour d’expérience des Jeux Olympiques 2024 du CNOSF a mis en exergue que, si 95% des athlètes estiment important ou indispensable le travail psychologique et/ou mental, ils ne sont que 37% aujourd’hui à bénéficier d’un accompagnement sur ce sujet. 21% s’estimaient d’ailleurs en difficulté ou grande difficulté psychologique après les JO. Ces chiffres corroborent une étude menée juste avant les Jeux par Harris Interactive pour la Fondation FondaMental, en partenariat avec le ministère des Sports et l’INSEP : sur 1885 jeunes sportifs de haut-niveau interrogés, 1 sur 5 exprimait ressentir un mal-être et 24% présentaient des troubles anxieux généralisés.

C’est pour répondre à cette alerte et à la difficulté exprimée par les sportifs qui ne savent souvent pas à qui s’adresser que le CNOSF, le CPSF, l’Agence nationale du Sport et l’INSEP, en lien avec le ministère des Sports, ont travaillé sur le plan d’actions présenté ce jour et organisé autour de 5 axes :

Axe 1 – Faire monter en puissance les aides à la prise en charge et améliorer le référencement des praticiens

Deux attentes majeures ont été exprimées par les athlètes : celle du financement des consultations et celle d’une amélioration du recensement des thérapeutes sur l’ensemble du territoire. Deux mesures clés pour y répondre :

  • Soutenir financièrement l’accès aux consultations pour les sportifs qui en ont besoin grâce au soutien de l’ANS, des Maisons Régionales de la Performance (MRP) et des fédérations. En 2024, 41 athlètes ont déjà bénéficié des aides déployées en ce sens par l’ANS, financées par les MRP ; et d’autres via les contrats de performance fédéraux.L’objectif est à la fois de mieux faire connaître ce dispositif et de le faire monter en puissance auprès des publics cibles de l’Agence, mais aussi d’assurer la prise en charge de publics complémentaires (ex : un sportif ayant participé à Paris 2024 ou aux compétitions internationales de référence mais n’étant plus ciblé par l’Agence, etc.) au travers de financements additionnels, par exemple via l’axe « Athlète » de l’héritage des Jeux, et, si nécessaire, avec le concours de mécènes.
  • Améliorer le référencement des praticiens sur France.Sport, le portail dédié aux athlètes, en proposant une cartographie des professionnels de santé susceptibles de les accompagner en fonction de leurs besoins mais aussi du territoire sur lequel ils vivent ou s’entraînent. Piloté par les MRP, en coordination avec les fédérations sportives, ce référencement compte, à date, 132 praticiens recensés.

Axe 2 – Accentuer les actions de sensibilisation à destination des athlètes, de l’encadrement et des entourages

Cet axe sur la sensibilisation se décline à travers quatre actions, chacune à destination d’un public cible :

  • Pour les athlètes : améliorer l’outil d’auto-diagnostic sur la santé mentale qui permet à l’athlète de faire le point et d’évaluer son état psychologique. Cet outil, réalisé par l’INSEP et accessible sur l’application France.Sport, doit faire l’objet d’améliorations pour donner aux athlètes davantage de clés de suivi.
  • Pour les jeunes athlètes : assurer leur sensibilisation sur le sujet de la santé mentale lors des rassemblements pré-compétitions, comme cela peut être fait sur les sujets des violences sexistes et sexuelles ou de la lutte contre le dopage.
  • Pour l’encadrement : renforcer les contenus des formations pour les diplômes fédéraux, ou les diplômes d’Etat d’encadrement de la pratique sportive en lien avec le ministère. En complément, proposer, à travers du contenu pédagogique en ligne et grâce aux pôles « Formation » de l’INSEP et des fédérations, des formations régulières pour les entraîneurs et encadrants, afin d’intégrer pleinement la dimension mentale dans l’entraînement pour prévenir les troubles psychologiques.
  • Pour l’entourage des athlètes : mieux outiller l’entourage des athlètes, au travers de formations dédiées à l’instar du programme MENTIS, initiative européenne pilotée par l’INSEP, pour permettre à l’entourage de détecter la détresse psychologique à travers des outils pédagogiques et des ateliers.

Les athlètes sont eux aussi acteurs de cette sensibilisation : l’expérience engrangée et leurs témoignages leur permettent de devenir ambassadeurs non seulement auprès de leurs pairs, mais aussi vis-à-vis du grand public en cette année 2025 durant laquelle la santé mentale a été érigée Grande cause nationale.

Axe 3 – Améliorer la mise en œuvre de la Surveillance Médicale Règlementaire (SMR) pour les 5 350 sportifs de haut-niveau

Intégrée dans le parcours de performance des sportifs de haut niveau, cette surveillance, financée par le ministère, vise à prévenir les risques pour la santé liés à la pratique sportive et à assurer l’aptitude à la pratique du sport en compétition. Un bilan psychologique annuel est obligatoirement prévu dans ce cadre. Pour améliorer sa mise en oeuvre sous l’égide des fédérations, deux actions principales seront déployées :

  • Comme le permet la réglementation, tendre le plus souvent possible au niveau des fédérations vers la réalisation du bilan psychologique par des spécialistes (médecins psychiatres ou psychologues cliniciens).
  • Proposer, pour les SHN, en cas de besoin détecté d’accompagnement à l’issue de ce bilan, l’accès à un soutien financier, en mobilisant plusieurs canaux possibles de financement (aides personnalisées, contrats de performance fédéraux, axe « Athlètes » de l’héritage des Jeux, dispositifs de droit commun de l’assurance maladie comme « Mon soutien psy »)

Axe 4 – Renforcer l’accompagnement des délégations et le suivi post-compétitions, notamment après les Jeux Olympiques et Paralympiques

Au-delà des enjeux de préparation, c’est souvent pendant et juste après les compétitions que se manifeste de manière très forte le besoin d’un suivi, et en particulier après les éditions olympiques et paralympiques qui entraînent souvent une (dé)charge émotionnelle importante. Pour y répondre, trois actions fortes :

  • Ancrer le rôle des « Welfare Officers » (« référents bien-être ») au soutien des délégations pendant les JOP conformément au cahier des charges du CIO et de l’IPC, comme ce fut le cas lors des Jeux de Paris 2024. Ces psychologues diplômés seront désormais systématiquement aux côtés des délégations et pourront être sollicités pendant toute la durée des Jeux. L’une des deux « référentes bien-être » qui accompagnera la délégation olympique lors des Jeux de Milan-Cortina (MiCo) est d’ailleurs présente dès aujourd’hui, au Forum des Athlètes du rassemblement des athlètes en route pour MiCo, pour faire connaissance avec nos sportifs et commencer à nouer un lien de confiance avec eux bien en amont du départ aux Jeux.
  • Etendre ce principe des « référents bien-être » à toutes les délégations conduites par le CNOSF (Jeux olympiques de la jeunesse, Festival olympique de la jeunesse européenne, Jeux mondiaux) et le CPSF (Jeux Paralympiques européens de la Jeunesse, Deaflympics). Leur accompagnement sera désormais systématique au coeur de nos Equipes de France sur tous les grands rendez-vous.
  • Assurer un suivi après les Jeux, avec des « référents bien-être » qui restent à disposition des athlètes pour plusieurs consultations post-compétition s’ils en ressentent le besoin, conformément aux attentes des athlètes qui, pour 84% d’entre eux, ont souligné dans les enquêtes l’importance décisive de ce suivi post-Jeux.

Axe 5 – Mieux accompagner les athlètes à la fin de leur carrière

La fin de carrière peut être particulièrement éprouvante d’un point de vue psychologique. Elle doit s’anticiper. C’est pourquoi, dans le cadre de ce plan, deux actions sont proposées sur ce sujet :

  • Consolider la dimension santé mentale au sein d’Epilogue Bleu, notre dispositif commun d’accompagnement des sportifs en fin de carrière. En cours de construction, il est actuellement testé auprès d’une petite dizaine de sportifs à l’INSEP. A terme, il concentrera, en un programme unique, toutes les dimensions de la vie du sportif en fin de carrière :
    – La dimension sportive, avec une « désathlétisation » progressive pour accompagner la fin de carrière,
    – La dimension médicale et psychologique, à travers des bilans complets (médical, psychologique, diététique et physique), une évaluation du bien-être mental et psychologique et une proposition de suivi psychologique,
    – La dimension sociale, avec des moments de cohésion entre sportifs, notamment lors des temps organisés par le CNOSF,
    – La dimension socio-professionnelle, pour aider les sportifs à penser leur projet professionnel en identifiant leurs intérêts et aspirations post-carrière.
  • Mieux accompagner les athlètes inscrits en liste « Reconversion » sur les aspects liés à la santé mentale, en lien avec l’ANS qui analysera les cas particuliers en vue d’une aide spécifique.

Aujourd’hui, lors du rassemblement de l’Equipe de France en route vers Milan-Cortina 2026, ce plan ambitieux sera à l’oeuvre, à travers des ateliers de sensibilisation destinés aux athlètes et la présence d’une « référente bien-être » désignée pour ces prochains Jeux d’hiver. Il se développera et s’enrichira sur plusieurs années, grâce à la mise à jour en continu des données et aux ajustements effectués en fonction des retours et des besoins des athlètes. Il s’inspirera aussi des dispositifs complémentaires mis en place par les fédérations ou dans d’autres pays, et se nourrira des projets européens pertinents lancés sur le sujet.

L’un des enjeux majeurs pour en assurer le déploiement efficace réside dans la capacité des acteurs à faire la promotion de ce plan auprès des premiers concernés : les athlètes. Il sera réussi si plus jamais aucun d’entre eux ne se trouve démuni face à une situation de détresse psychologique.

La santé mentale est un enjeu majeur pour notre société, mais également pour nos équipes de France. Lors d’un colloque organisé le 21 mai dernier, nous avions donné la première impulsion de travail sur cette thématique, encore mal connue par le champ sportif et souvent appréhendée par le prisme de la préparation mentale. Ce plan d’action, multi-institutions, est une traduction concrète de la voie que nous devons collectivement emprunter en faveur des athlètes, mais également des encadrants de nos délégations.

Marie-Amélie Le Fur, Présidente du CPSF

Pendant trop longtemps, « être fort » a signifié « serrer les dents et se taire ». Ce modèle doit céder la place à un autre : celui où demander de l’aide est un acte de lucidité et de courage, qui ne diminue pas un athlète mais lui permet au contraire de durer, de se reconstruire et de mieux performer. Celui où la victoire ne se construit pas au prix de la santé, mais avec elle.

Amélie Oudéa-Castéra, Présidente du CNOSF

La performance ne peut se construire durablement que si l’athlète est considéré dans toutes ses dimensions. L’exigence du haut niveau ne doit jamais se faire au détriment de l’équilibre personnel - « Gagner oui, mais pas à n’importe quel prix ! ». Nous affirmons aujourd’hui une vision plus responsable du sport de haut niveau : celle d’un sport qui respecte, qui écoute et qui accompagne.

Yann Cucherat, Manager Général de la Haute Performance de l’Agence nationale du Sport :

L’Institut National du Sport, de l’Expertise et de la Performance s’engage activement dans la protection de la santé mentale des sportifs de haut niveau, tout en assurant la formation et la sensibilisation des professionnels du sport, tant au sein de l’établissement qu’au sein des centres du réseau grand INSEP. Plusieurs de nos services sont ainsi mobilisés dans l’Institut pour accompagner les sportifs dans leur quête de bien-être. Ainsi, par exemple, les psychologues de l’établissement reçoivent les athlètes régulièrement afin de réaliser des bilans qui ont pour objectif de détecter des difficultés et des facteurs personnels et familiaux de vulnérabilité chez les athlètes. Cet accompagnement au cours de leur carrière s’étire également avec un dispositif sur la fin de carrière sportive. La dimension internationale n’est pas laissée de côté puisque de nombreux échanges d’expertise en matière de santé mentale ont lieu et l’INSEP est également impliqué dans plusieurs projets européens de recherche pour optimiser la gestion de la santé mentale des athlètes.

Fabien Canu, Directeur Général de l’INSEP

La performance ne peut plus se penser sans la santé mentale. Ce plan d’actions marque une étape essentielle : celle d’un sport tricolore qui place le bien-être de ses athlètes au coeur de leur réussite. En cohérence avec la Stratégie nationale Sport Santé, prévenir, accompagner et écouter sont les clés d’une haute performance responsable et équilibrée pour l’ensemble de nos sportifs. Il est aussi l’occasion de rappeler le rôle essentiel que jouent à leurs côtés les éducateurs sportifs, les entraîneurs et les professionnels de santé.

Fabienne Bourdais, Directrice des Sports du ministère des Sports, de la Jeunesse et de la Vie Associative

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