27 juin 2019

EPYG 2019 : Thomas PASCAL, entraîneur de para judo

Ils sont certes peu nombreux mais nos para judokas ne comptent pas faire de la figuration; et ce n’est pas Thomas Pascal leur entraîneur qui dira le contraire ! Entretien…

Thomas, présentez-vous ?

Je m’appelle Thomas Pascal, je suis responsable des deux judokas en lice pour les EPYG 2019 au nom de la Fédération Française de Judo. Je suis conseiller technique; par le passé j’ai été entraîneur du pôle espoirs de Toulouse (valide) et désormais j’œuvre au comité de judo de Paris. Depuis que la FFJDA a la délégation paralympique (2017), je consacre une partie de mon activité à la gestion du para judo, sur la partie détection et formation des jeunes en vue des Jeux Paralympiques de Paris 2024.

Pour qui s’adresse le para judo ?

Le judo pour les personnes en situation de handicap est accessible pour les personnes malvoyantes, non-voyantes et sourdes. À ceci près qu’aux Jeux Paralympiques, les catégories sont uniquement ouvertes aux judokas non-voyants et malvoyants (les personnes sourdes n’étant pas éligibles pour les Jeux Paralympiques ; elles participent à un circuit spécifique, les Deaflympics (à noter que les prochains Championnats du Monde de judo pour les sourds se tiendront à Versailles en avril 2020).

Dans l’optique d’une participation aux Jeux Paralympiques, les judokas sont classifiés en 3 catégories :

B1 : Cécité totale
B2 : Cécité sévère
B3 : Cécité légère

Ces 3 catégories combattent ensemble lors des compétitions mais l’arbitrage peut parfois être différent en fonction de la cécité du judoka. Par exemple, les judokas classifiés B1 ont un rond rouge sur le kimono et s’il y a une sortie de tapis, l’arbitre peut se montrer parfois un peu plus indulgent.

Dans la course aux points en vue des Jeux Paralympiques, les B1 & B2 engendrent davantage de points ; tout cela pour assurer au maximum une équité entre les combattants et seuls les 12 meilleurs mondiaux sont sélectionnés aux Jeux avec minimum 3 athlètes B1 dans chaque catégorie de poids.

Comment se matérialise la pratique du judo pour les athlètes en situation de handicap en France ?

Le judo est un sport individuel mais où il faut du monde pour s’entraîner, pour s’opposer et dans une catégorie de poids similaire. Il n’existe pas de structure spécifique, ce qui serait par ailleurs impossible, et le para judo se pratique dans des clubs valides ce qui est très intéressant puisque les judokas malvoyants et non-voyants affrontent des judokas valides.

Nous, en équipe de France, on s’intègre généralement sur les structures haut niveau de la Fédération Française de Judo et tous les mois il y a des stages avec des pôles Espoirs ; des pôles France.

La prise en charge des para judokas engagés dans un parcours de haute performance est de qualité : pour vous donner un exemple, nous avons un jeune athlète (qui était d’ailleurs le porte-drapeau de la délégation des EPYG il y a deux ans) qui est intégré au pôle France de Judo de l’INSEP : Hélios LATCHOUMANAYA. Prescillia LEZE, l’une des membres de l’équipe de France a quant à elle intégré le pôle France judo de Marseille.

Ces athlètes s’entraînent et s’investissent tout autant que les athlètes valides, pas d’excuses, pas de différences, juste du travail ! Et le niveau international est tel aujourd’hui qu’il faut être toujours plus assidu pour rester performant.

On constate d’ailleurs une belle émulation entre les judokas valides et ceux en situation de handicap. Il y a beaucoup de bienveillance et cela fait bien évidemment écho aux valeurs de notre discipline, une vraie richesse donc !

Vous qui venez du milieu valide, comment travaillez-vous avec les para judokas ?

Depuis que je suis professeur de judo, j’ai toujours été en contact avec des personnes en situation de handicap ; je pense avoir aussi une certaine sensibilité. Les choses se sont passées tout naturellement et progressivement. J’ai pas mal travaillé au côté d’Olivier Busnel, responsable de l’équipe de France de para judo ce qui m’a permis d’en apprendre toujours plus et de réellement m’intégrer dans ce mouvement. Mais comme dans le milieu valide, il faut surtout s’adapter au sportif avant tout, sans même parler du handicap.

Parlez-nous de la classification en para judo ?  

Nos judokas passent par une classification nationale mais aussi internationale et ils sont revus régulièrement, ce qu’on appelle des «review», et pour toutes les catégories.

Comment se passe la détection en para judo ?

Nous sommes à la recherche de personnes malvoyantes un peu partout en France ; les cadres techniques présents sur le territoire sont aussi de précieux relais pour nous ; ils nous informent des profils à suivre. Ça marche beaucoup par le bouche à oreille finalement… Mais la détection est encore un vrai point noir, c’est difficile d’aller chercher des sportifs et c’est la plupart du temps très aléatoire ; des jolis hasards. Je suis toujours très surpris de voir que même en Ile-de-France, là où se trouvent un cinquième des licenciés en France, je n’arrive pas à détecter des nouveaux athlètes malvoyants.

Comment est représenté le para judo sur cette compétition ?

La FFJDA avait une vraie volonté d’envoyer des athlètes sur cette compétition ! Mais dans le cas présent, c’est particulier : nous avons un « vivier » de jeunes qui arrivent pour assurer la relève mais ils sont encore trop jeunes (minimes) alors que les catégories représentées sur les Jeux Européens Paralympiques de la Jeunesse sont les cadets et les juniors. On les retrouvera à n’en pas douter sur la prochaine édition, dans deux ans. Par ailleurs, nous avons de jeunes espoirs qui sont actuellement sur une autre compétition : les Jeux Mondiaux IBSA aux Etats-Unis et sont à la course aux points en vue des Jeux Paralympiques. Il a donc fallu faire des choix en fonction des objectifs de chacun !

Pouvez-vous nous parler des deux jeunes en lice aux EPYG ?

Jérémy LEFEVRE a 16 ans (- de 73kg), c’est sa première compétition officielle, donc grande première ! Je veux voir comment il se comporte en combat, comme il aborde la pression d’une rencontre officielle. La difficulté avec Jérémy est qu’il est en structure d’accueil et qu’il ne peut s’entraîner qu’une seule fois par semaine ; c’est bien trop peu pour l’instant. Il va lui falloir multiplier les séances hebdomadaires pour progresser.

Youssef El HIRECH a 15 ans (- de 60 kg), il a déjà fait des compétitions valides et une compétition internationale. L’objectif avec Youssef est qu’il ait le maximum d’oppositions afin de vite le faire passer avec les Elites car il en a le potentiel. Il sera « hors course » pour les Jeux Paralympiques de Tokyo car c’est bien trop tôt mais nous avons l’échéance 2024 dans le viseur ! On souhaite qu’il soit le mieux classé possible pour avoir un tableau favorable.

Youssef a été détecté il y a très peu de temps, en octobre dernier. On a fait depuis 3 stages avec lui et il a intégré le collectif jeunes tout naturellement. On mise sur cet évènement pour lui faire passer un cap, pour qu’il rentre vraiment dans un projet de haute performance. Donc l’objectif pour lui ici est de gagner, on projette une médaille et il en est complètement capable. L’année prochaine, il intégrera le pôle Espoirs de Lille.

Crédit photos : G MIRAND / CPSF