28 juin 2019

EPYG 2019, Alexandre LEBOEUF, entraîneur adjoint du basket fauteuil

S’il officie en tant qu’entraîneur adjoint du pôle France Espoirs de Basket fauteuil, Alexandre Leboeuf est présent aux EPYG en qualité de mécanicien… Eclairage sur les spécificités liées au matériel.

Pouvez-vous vous présenter ?

Je suis Alexandre Leboeuf, j’ai 30 ans, je suis l’entraîneur adjoint de l’équipe de France Espoirs de basket fauteuil depuis 2 ans et je travaille en binôme avec Karim El Gueddari.

Pouvez-vous nous parler de cette discipline ? Quelles en sont les règles ?

Le basket fauteuil est un sport collectif de petit terrain où la cible est en hauteur. C’est le même règlement que le basket valide (24 secondes pour déclencher un tir, 8 secondes pour passer la ligne médiane, 3 secondes dans la zone restrictive, en attaque) mis à part deux règles qui changent :

  • Pas de reprise de dribble (et le marché équivaut à deux actions sur ses roues en possession de balle).
  • Les spécificités dues au fauteuil et au niveau des contacts pour les fautes.

Comment les équipes sont-elles constituées ?

Chaque joueur en fonction de sa pathologie et de ses fonctions motrices se voit attribué une classification. Il s’agit d’un nombre de points qui oscille de 1 à 4,5.

La somme des classifications des cinq joueurs présents sur le terrain ne doit pas dépasser au niveau international 14 points. Pour assurer une rotation, il faut constituer des équipes avec des joueurs ayant une classification différente.

La classification du joueur est finalement assez simple : un joueur qui « vaut » 1 point a des atteintes importantes (ex : paraplégie haute) et les joueurs ayant un « handicap minimum » type amputation valent eux davantage de points.

(En France, hors compétition internationale, une personne valide peut pratiquer du basket fauteuil et vaut d’office 5 points. Cette règle a initialement été autorisée afin de permettre aux joueurs en situation de handicap de pouvoir avoir des partenaires d’équipe, tout simplement…).

Le fauteuil a t-il son importance dans cette discipline ?

J’estime personnellement que 20 à 30 % de la performance du joueur est liée uniquement aux réglages de son fauteuil. Pour un joueur en compétition, son fauteuil est fait sur mesure : largeur et profondeur d’assise, hauteur du dossier, longueur du fauteuil, taille des roues…. C’est un outil primordial, comme un basketteur valide qui choisirait sa paire de chaussures. Donc impossible d’imaginer jouer avec son fauteuil de ville… car il y a des risques de chutes. Il faut savoir qu’un fauteuil de basket compte 3 petites roulettes : deux sur l’avant et une ou deux sur l’arrière pour favoriser la stabilité, empêcher la chute en arrière surtout quand il y a des grosses poussées.
L’idée est que le joueur puisse être au plus proche de son fauteuil, qu’il fasse corps avec (celui-ci est sanglé pour être maintenu). Plus le joueur sera proche de son fauteuil, plus ce sera facile pour lui de jouer.

Les joueurs ne sont pas positionnés de la même façon sur leur fauteuil. Pourquoi ?

En effet, certains joueurs sont plus ou moins hauts dans leurs fauteuils ; c’est tout simplement lié à leur classification.

Dans le règlement du basket fauteuil, les joueurs classés entre 1 et 3 points (avec des handicaps plus importants) ont le droit à une hauteur d’assise à 63cm. Au-dessus des 3 points, la hauteur maximum est fixée à 58cm. Au niveau de la position, on différencie 3 types d’assise :

  • La première sur des joueurs qui « valent » plutôt 1 point, 1 point et demi : l’arrière de l’assise du fauteuil est plus basse que l’avant. Du coup le bassin est en-dessous des genoux.
  • La seconde position équivaut à une assise plate avec le bassin et les genoux à la même hauteur; position majoritairement pour les joueurs classifiés entre 2 et 3 points.
  • La troisième position dite « haute », avec un bassin positionné plus haut que les genoux, va permettre aux joueurs de développer beaucoup plus de puissance car l’angle tronc / jambes est plus ouvert. Elle est réservée aux joueurs qui ont des capacités musculaires plus importantes et avec une forte capacité de poussée.

En étant à 58 cm maximum de hauteur, le joueur est assis plus haut que des personnes plus petites qui sont assis à 63 cm.  Mais au-delà des limites de hauteur, il faut surtout s‘attarder sur l’intérêt d’avoir une assise maximum car le joueur doit avant tout être à l’aise ; être le plus haut possible n’est pas toujours gage de meilleure assise.

Est-ce que la classification et le placement dans le fauteuil jouent sur l’attribution des postes de chaque joueur ?

Les joueurs assis « haut » s’ils sont très grands vont avoir tendance à aller jouer à l’intérieur de la raquette car, comme dans le milieu valide, c’est le plus grand qui marque. Nous partons du principe que tous nos joueurs doivent être capables de tout faire ; que si l’on veut avoir une équipe performante, il faut que nos « petits points » soient capables de shooter et de marquer quelle que soit la distance. Par ailleurs, les « petits points » jouent un rôle pour les « gros points » : ils font la locomotive, cherchent à mettre de la vitesse pour créer des décalages et permettent aux plus grands joueurs de rentrer dans la raquette.

Sur le plan international, les équipes qui sont vraiment performantes sont celles qui ont des « petits points » formés pour être polyvalents sur le terrain. Avec 5 joueurs sur le terrain (généralement 3 grands et 2 petits joueurs), il est important d’élargir le champ d’action des joueurs dits « petits points » pour plus de complémentarité.

Quel est votre travail au côté des entraîneurs ?

Je suis l’assistant de Karim, nous formons un binôme très complémentaire. J’interviens sur les entraînements, je gère toute la partie échauffement d’avant-match. Karim vient du basket valide, il est très tactique et moi je lui apporte mon regard sur le plan technique et mon expertise de la pratique en fauteuil (je pratique en loisir le basket fauteuil, je suis donc mon propre cobaye pour les réglages du fauteuil…) et j’essaie de faire le lien entre notre mécanicien, notre entraîneur et nos joueurs. Il y a des subtilités en termes de manipulation du fauteuil qu’il faut connaître afin d’être plus performants sur le terrain et c’est aussi mon rôle de transmettre ces informations à l’équipe.

Je suis présent à chaque stage, avant chaque compétition pour vérifier que les fauteuils n’ont pas subi de casse dans les transports, que les roues se positionnent bien, qu’il n’y a pas de cheveu dans les roulements ni de rayons cassés, que toutes les toiles ne sont pas défectueuses puis ensuite on fait le point avec les joueurs pour voir s’ils ont besoin d’ajustements particuliers et puis bien sûr avant d’aller rouler, on vérifie que les pneus sont bien gonflés… Bref on doit pouvoir tout réparer !

Vous utilisez du matériel spécifique ? Le fauteuil est-il définitif ?

On travaille avec des fournisseurs spécialisés (fabricant de fauteuil, revendeur médical…).
Les fauteuils pour les joueurs de haut niveau ont une durée de vie de 3 ou 4 ans et ceux-ci y apportent régulièrement des modifications. Il faut travailler sur le positionnement, faire des tests et voir comment le joueur réagit en action et une fois tout cela ajusté, on passe d’un châssis réglable à un châssis fixe. Avec un fauteuil réglable, on n’arrive jamais au positionnement idéal ; on s’en rapproche et c’est au fur et à mesure, avec l’expérience, que le joueur lui-même va faire faire les ajustements qu’il souhaite. En moyenne pour trouver les mesures exactes, il faut avoir déjà utilisé 2 à 3 fauteuils.

Il faut également savoir que les réglages des fauteuils ne se font jamais sans discussion préalable avec le joueur. L’encadrement n’impose pas un placement, tout se passe d’un commun accord : nous sommes à l’écoute de ses sensations, besoins… et nous intervenons en réponse à ces demandes. Parfois, cela fonctionne, parfois non, dans ce cas on tente autre chose. Pour les jeunes du pôle France, ils testent leur fauteuil environ 3 mois, ils s’approprient les réglages et nous faisons le point ensemble à l’issue de cette phase d’adaptation.

Tout cela doit avoir un coût ?

Les prix ne sont pas les mêmes si l’on pratique en loisir ou en compétition mais oui c’est un budget !  Pour un fauteuil de loisir, les prix oscillent entre 1200 et 2500 euros. Pour un fauteuil de compétition, il faut prévoir entre 4000 et 10 000 euros, pour les modèles les plus pointus. Ajouter à cela des ajustements, des réparations etc…

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Crédit photos : G MIRAND / CPSF