7 novembre 2018

Deuxième forum des classificateurs

Rencontres et échanges autour de la mise en œuvre du code national de classification.

Le Comité Paralympique et Sportif Français, de par son rôle de représentant du Comité Paralympique International sur le territoire national et sa volonté de se positionner en soutien de ses membres sur les principaux enjeux paralympiques, a mis en place une stratégie d’accompagnement des fédérations sur les questions de classification.

L’organisation d’un forum à l’intention des classificateurs nationaux et internationaux français constitue l’un des temps forts de cette stratégie et pour la 2ème année le CPSF leur a donné l’opportunité de se retrouver entre pairs. Ce forum s’est déroulé à l’INSEP les 5 et 6 novembre 2018. 

Comme pour la première édition, de nombreuses fédérations ont répondu à l’invitation. 14 classificateurs internationaux et 28 nationaux issus de 18 disciplines sportives se sont retrouvés pour échanger autour de la mise en œuvre pratique du code national de classification, véritable fil rouge de la journée, et des dernières communications IPC en la matière.

Certaines fédérations ayant développé des expériences significatives tant en matière de structuration de leur politique de classification (règlementation, commission de classification, formation) qu’en matière d’adaptation des règles d’éligibilité ou des règles du jeu au contexte national, ont pu exposer leurs avancées. Les présentations ont permis à tous les participants d’appréhender le champ des possibles, d’échanger sur leurs problématiques communes, d’envisager des solutions en prenant exemple sur l’existant, d’ouvrir de nouveaux sujets de réflexions et de collaborations.

Les discussions ont notamment permis de :

  • Constater que la question de la mise en conformité des fédérations au code national de classification touchait à la fois des sujets juridiques, sportifs, de règlementation ou encore de formation et que la classification constituait une bonne porte d’entrée pour positionner le para sport comme un enjeu fédéral et le sortir de son isolement ;
  • S’interroger sur la question du pourquoi des adaptations nationales et du comment ;

Le choix des fédérations internationales de ne pas rendre certaines pathologies éligibles est-il lié à un risque de sur handicap par la pratique de la discipline ? Dans ces cas-là, faut-il les rendre éligibles au niveau national ? Sur quelles bases peut-on créer une éligibilité nationale et des classes assurant l’équité ? Le sport santé doit-il se confondre avec la pratique d’un para sport ? Jusqu’où peut-on / doit-on adapter les règles du jeu pour permettre à des personnes non éligibles de concourir en compétition ?

  • Mettre en exergue les problématiques de traitement et de sécurisation de données de nature confidentielle. Dans cette perspective, la plateforme sécurisée de stockage et d’échanges de données développée par le CPSF constituera, lors de sa mise en place en 2019, une avancée significative.
  • D’approuver la constitution d’une charte éthique du classificateur national et de s’assurer de l’engagement des classificateurs dans un cadre et environnement en respect des contenus de la charte éthique

La journée a également été l’occasion d’aborder concrètement, à travers des ateliers d’échanges de pratiques, l’évaluation des athlètes et la question des relations interpersonnelles pendant et en dehors de l’acte de classification. Les témoignages de 3 athlètes sur leur expérience de classification ont été, dans cette perspective, extrêmement instructifs et riches de sens et de questionnements pour les classificateurs. Les relations interpersonnelles sont apparues comme un enjeu primordial devant faire partie intégrante du cursus de formation et des compétences à évaluer dans le cadre du statut de « classificateur national ». Cette dénomination doit attester, quelle que soit la discipline, d’un niveau de qualification comparable que la validation par le CPSF du référentiel de certification des fédérations devra garantir. Dans cette perspective, le CPSF est en train de produire un modèle de référentiel.

La journée a permis de démontrer que de nombreuses fédérations s’étaient appropriées le code national de classification et en avait fait un outil de développement de leur politique en faveur des personnes en situation de handicap. Le CPSF va poursuivre les échanges et les travaux jusqu’au prochain forum afin de faire vivre le réseau et de continuer à accompagner au mieux ses membres.

 

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Portrait de Vincent FERRING

 

Comite Paralympique & Sportif Français : Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Vincent FERRING : « Kinésithérapeute de formation, je suis entré dans le milieu handisport et le mouvement paralympique en 1998, soit deux ans avant les premiers Jeux Paralympiques (Sydney 2000) auxquels j’ai participé en tant que “kiné“ de l’Équipe de France d’athlétisme.
Également membre de la commission d’athlétisme pendant de nombreuses années, je suis kinésithérapeute fédéral, c’est à dire responsable de la kinésithérapie de tous les sports à la FFH, et j’ai ainsi pu participer aux Jeux de Rio dans ces fonctions.
Depuis 2004, après avoir participé à différents travaux dans le cadre d’une reprise de mes études, j’ai diversifié mes activités au sein de la fédération comme classificateurs. »

CPSF : Comment avez-vous découvert ce milieu ?

Vincent FERRING : « Un des rôles de “kiné“ dans les grandes compétitions, c’est d’accompagner les sportifs au contrôle anti-dopage mais aussi lors de la classification. Comme c’est un moment médical, j’ai pu accompagner de nombreux athlètes entre 1998 et 2004 et j’ai ainsi commencé une formation pour être classificateur international. Je ne faisais pas du tout de classification nationale, j’ai directement passé les diplômes internationaux. »

CPSF : Quel a été l’élément déclencheur qui vous a poussé à réaliser cette formation ?

Vincent FERRING : « C’est assez paradoxale, car je ne voulais pas la faire au début. Lorsque j’étais avec l’équipe, je ne voulais pas la lâcher, je voulais m’occuper des sportifs et ne pas perdre de temps à faire autre chose. Finalement, c’est l’ancien directeur sportif de l’athlétisme handisport, qui maintenant est le DTN de la FFA, Patrice GERGES, qui voulait quelqu’un dans son équipe qui soit classificateur. Il avait compris longtemps avant les autres de l’importance d’avoir dans nos équipes nationales, des personnes qui avaient la connaissance de tous ces éléments. Il voyait bien un “kiné“ le faire et donc j’y suis allé. »

CPSF : Pouvez-vous nous décrire le principal rôle du classificateur ?

Vincent FERRING : « Le rôle principal, c’est de donner une catégorie. Un peu comme les catégories de poids à la boxe, les athlètes passent des tests en référence à leur dossier médical.
Les classificateurs fonctionnent par binôme : il y a toujours un classificateur “médical“ et un classificateur “technique“ pour attribuer, à la fin des tests, une classe et un statut (exemple : T35, catégorie pour des personnes qui ont des paralysies cérébrales).. »

CPSF : Quelles sont, de votre point de vue, les principales qualités à développer pour devenir un classificateur reconnu ?

Vincent FERRING : « La classification est une sorte de philosophie. Le but final, en mettant les sportifs dans des catégories, peut paraitre stigmatisant, réducteur et voir critiquable. Mais à la base, c’est vraiment pour faire respecter l’éthique. Nous ne pouvons pas comparer des personnes qui ont un handicap léger avec un handicap lourd, sinon l’équilibre sportif ne serait pas respecté.
L’idée est vraiment de regrouper les sportifs dans des classes, relativement homogènes, où à l’intérieur de celle-ci, les athlètes ont les mêmes chances de performer les uns par rapport aux autres.
La principale qualité reste donc de chercher à faire respecter l’équité dans le mouvement paralympique par sa “porte d’entrée“ : la classification. »

CPSF : Quels sont vos meilleurs et/ou vos pires souvenirs en tant que classificateur ?

Vincent FERRING : « Le pire souvenir pour un classificateur, c’est d’être obligé de dire à un sportif qu’il est non éligible. C’est à dire qu’il ne pourra pas faire de compétitions car il n’a pas de catégories. Il ne passe pas la barrière du handicap suffisant pour pouvoir entrer dans la classe la moins handicapée. Mais pour autant, il est en situation de handicap dans la vie. Donc chaque fois que l’on doit annoncer ce genre de nouvelle à un jeune sportif ou à sa famille, c’est toujours un moment très difficile. Nous sommes présents pour faire la promotion de l’activité physique et non pour “éliminer“ 1/3 des candidats.
Autrement, le classificateur a aussi le droit à de bons souvenirs. Quand un athlète devient champion paralympique, alors que vous l’aviez classifié à un moment donné de sa carrière, qu’il vous reconnait et qu’il vient échanger avec vous, c’est toujours un moment très sympa. »

CPSF : Pouvez-vous justement nous parler des relations développées avec l’encadrement sportif ? Quels sont vos sujets communs et axes de collaborations ?

Vincent FERRING : « Par exemple, il y a quelques jours, j’ai pu échanger avec Julien HERICOURT de la commission “d’athlé“ de la FFH afin de travailler autour de deux axes : 1 – le secteur médical ; 2 – la classification.
Nous travaillons donc beaucoup avec les personnes en charge la pratique.
De la même façon avec les officiels lors d’une compétition, il y a des choses que l’on fait en commun. En fonction des tests pratiqués à l’entrainement ou de nos études pendant certaines compétitions, le classificateur peut apporter des ajustements en fonction des catégories et le référer aux officiels. C’est ensuite au jury de les appliquer lors de la compétition.
Il y a donc un travail d’échanges permanent entre les classificateurs et l’encadrement sportif. »

CPSF : Comment alliez-vous votre rôle de kinésithérapeute de l’Équipe de France d’athlétisme avec celui de classificateur international ?

Vincent FERRING : « Très concrètement, il faut bien séparer les “casquettes“. Un exemple, lorsque je suis au championnat de France, si j’interviens en tant que classificateur, je ne gère en aucun cas le côté médical avec mes collègues “kinés“. Je ne vais pas classer un athlète le matin et lui faire un “strap“ l’après-midi.
Au niveau international, étant membre de l’Équipe de France, j’essaye de ne pas faire de classification en Europe. Je vais aller donner un coup de main pour les pays d’Amérique du Sud par exemple, afin d’éviter les conflits d’intérêts.
Nous avons un code éthique qui nous autorise à réaliser ce genre de démarches et de garder notre indépendance. »

CPSF : Enfin, pour terminer notre entretien, quels seraient les axes de développement et les améliorations à apporter afin de progresser encore dans le domaine des classifications ?

Vincent FERRING : « Il y a déjà des choses en cours. Le fait de faire des études scientifiques pour rationaliser la manière de déterminer les classes en est le parfait exemple.
Tous les ans, nous faisons des tests complémentaires : nous annulons des classes puis nous en rajoutons d’autres. Je pense qu’il y a un gros effort de l’IPC pour rationaliser tout ça. Il faut continuer les efforts fournis de traduction des manuels, en compagnie du CPSF, pour que tout le monde puisse appliquer les mêmes règles partout. Plus les règles seront identiques pour tous, plus le mouvement prendra de la valeur.
Ensuite pour développer encore un peu plus ce domaine, je pense qu’il faut médiatiser cette classification. Pour que les gens comprennent que c’est la porte d’entrée à la pratique sportive de haut niveau, pour qu’ils appréhendent encore mieux le rôle qu’est attribué aux classificateurs. »

 

BIOGRAPHIE

Vincent FERRING

Né le 04/11/1973 (45 ans),

  • Diplôme d’État Masseur-Kinésithérapeute : 1995 à Nancy
  • Cadre de santé :
    • Master 2 en sciences de l’éducation, Nancy ;
    • Master 2 sport santé et handicap à Saint-Étienne
  • Kinésithérapeute de l’Équipe de France d’athlétisme : Jeux Paralympiques de Sydney (2000), Athènes (2004), Pékin (2008) et Londres (2012)
  • Responsable kinésithérapeute des Équipe de France : Jeux Paralympiques de Rio (2016)
  • Classificateur : Jeux Paralympiques de Rio (2016)

 

Crédit photos : FFH & CPSF