Le Comité Paralympique et Sportif Français créé une cellule de recherche
Valentine Duquesne, chargée de recherche au Comité Paralympique et Sportif Français (CPSF), vient de finaliser sa thèse sur "la part des facteurs sociaux dans l'optimisation de la performance paralympique". Aujourd'hui elle intègre la nouvelle cellule de recherche du CPSF.
CPSF : Tu as récemment finalisé une thèse sur le parasport. Tout d’abord, qu’est-ce qui t’a donné envie de faire cette thèse ?
Valentine Duquesne : J’ai travaillé pendant 15 ans à la Fédération Française Handisport en tant que responsable du suivi socio professionnel des sportifs de haut niveau. Le poste était super riche et intéressant, mais j’ai eu envie de voir autre chose. J’avais quand même envie de rester dans le domaine du parasport et la recherche me plaisait bien, j’ai donc décidé de réaliser une thèse orientée vers la sociologie du parasport. Ça a été un peu compliqué au début, j’ai mis à peu près 2 ans pour trouver un financeur. Puis le CPSF, intéressé par le sujet, a accepté de me soutenir financièrement. J’ai été mise en relation avec le laboratoire de l’INSEP où j’ai rencontré ma directrice de thèse, Hélène Jonchéray. Ensemble avec Hélène, nous avons choisi de traiter la question des facteurs sociaux et de la performance sportive paralympique, un sujet en lien avec le CPSF.
CPSF : Peux-tu nous parler un peu plus de ta thèse ?
V.D.: L’intitulé exact était “la part des facteurs sociaux dans l’optimisation de la performance paralympique”. Il y avait plusieurs dimensions. Tout d’abord, le travail a constitué à voir la part et l’impact des facteurs sociaux dans la performance sportive de manière générale. Nous sommes parties du postulat que souvent les facteurs sociaux comme les facteurs de situation professionnelle, familiale, amicale ou encore financière sont des facteurs qui impactent la performance mais que ceux-ci ne sont pas forcément pris en considération, ou en tout cas, comme facteurs directs impactant la performance sportive. En deuxième dimension, nous avons étudié des facteurs plus spécifiques au parasport comme la classification, les déficiences elles-mêmes ou la représentation et le regard de la société sur le handicap.
Une enquête exploratoire sur ce sujet avait été réalisée, lors des Jeux de Rio 2016, par le laboratoire SEP de l’INSEP dont les travaux avaient été menés par Hélène Joncheray et Fabrice Burlot. L’idée a donc été de partir de cette enquête et de reprendre les mêmes facteurs interrogés mais en élargissant fortement le panel des parasports et en incluant davantage de spécificités sur la partie parasportive. Nous avons retenu les facteurs, tels que l’entraînement, la préparation physique, la préparation mentale, la diététique et la récupération, mais aussi les facteurs socioprofessionnels. Pour chacun d’entre eux, nous avons essayé de questionner aussi les singularités propres au parasport.
Ma thèse se déroulant pendant les Jeux de Tokyo 2020, le CPSF m’a permis de réaliser mes enquêtes et entretiens avec des para athlètes en phase de sélection.
CPSF : A présent tu es chargée de recherche pour le CPSF. Peux-tu nous expliquer tes prochaines missions ?
V.D. : A l’heure actuelle, le CPSF n’a forcément pas de cellule de recherche, je vais donc commencer à la développer. Mon temps sera divisé en deux : 70% sur une partie recherche et 30% sur une partie éthique et discrimination. D’une part, pour la partie recherche, l’idée est déjà de capitaliser les résultats de ma thèse et de réfléchir à certaines données qui pourraient être intéressantes pour développer d’autres axes de recherche ou de projets au bénéfice du CPSF et des fédérations membres. Je vais également m’appuyer sur des recherches externes, françaises et étrangères, notamment dans la littérature scientifique pour synthétiser des éléments qui pourraient intéresser l’équipe interne du CPSF mais aussi les différents acteurs des fédérations membres, comme les dirigeants ou les encadrants, en fonction de leur centre d’intérêt et de leurs objectifs communs. Aujourd’hui, il existe beaucoup d’expertises dans le parasport, mais nous ne connaissons pas forcément leurs sources. Il y a une grande culture d’oralité. Mon travail va constituer à chercher le contexte et l’année de ces éléments mais aussi de voir s’ils ont évolué. D’un autre côté, nous avons également un enjeu de réaliser un travail plus spécifique sur la pratique féminine et la place dans la femme dans le parasport. Les 30% restants seront surtout axés sur les violences sexistes et sexuelles dans le parasport. Pendant que j’étais thésarde, j’ai commencé à travailler sur cet aspect avec le développement d’un outil de prévention intitulé “Réglo’Sport“. Sous format de réglette, il permet de situer les différents ressentis que les pratiquants ou pratiquantes peuvent avoir et savoir si ce ressenti est normal ou s’il peut générer de la gêne ou même du danger, et être dans une situation de violence sexiste ou sexuelle, psychologique ou verbal ou physique. A partir de cet outil de prévention, nous allons voir comment on peut aller plus loin pour faire de la sensibilisation, de l’information ou même de l’éducation. De manière générale, il y a un travail culturel à effectuer pour changer le regard au rapport aux corps, aux violences… Les violences sexistes et sexuelles sont très importantes dans le sport et sont d’autant plus importantes dans le parasport. Dans mon approche, je souhaite travailler sur le public dans sa globalité puis inclure des variables complémentaires comme celui de la femme ou des différentes déficiences. Il est important d’interroger le ressenti des pratiquants masculins pour comprendre celui des pratiquantes féminines, les violences sexistes et sexuelles ne touchent pas seulement les femmes, même si elles sont majoritaires. L’intérêt est aussi de séparer les différentes déficiences puisque nous n’aurons pas les mêmes rapports aux corps, à l’autre, à la domination…
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Retrouvez tous les travaux de Valentine Duquesne :
- DOI: 10.1080/17430437.2022.2070480 (Sports experiences of elite athletes with intellectual disabilities and/or autism spectrum disorders) publié dans Sport In Society
- DOI: 10.1080/17511321.2022.2161611 (Cripping Sport and Physical Activity: An Intersectional Approach to Gender and Disability), publié dans Sport Etics and Philosophy
- DOI: 10.1080/16138171.2021.1878438 (“I had a dream: it was to play the games”. Sports socialisation processes of French paralympic athletes) publié dans European Journal of Sport and Society
- DOI: 10.1177/21674795231158542 (“They Don’t Really Care about my Results, they Prefer Selling my Life Story.” Inspirational Paralympians and Sponsorship), publié dans Communication & Sport
- DOI: 10.3917/sta.128.0109 (Recension sur Emmanuel Bayle (dir.), Le système olympique : passé, présent et futur . Mélanges en l’honneur du Professeur Jean-Loup Chappelet . Préface de Thomas Bach, président du Comité international olympique. Lausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes, coll. « Contributions à l’action publique », 2019, 326 p.) dans Staps n°128(2):109