28 août 2019

Portrait du mois : Nicolas BECKER, entraîneur national de paratriathlon

©Sébastien LIBICZ – FF Triathlon

À 38 ans, Nicolas BECKER est, depuis 2013, l’entraîneur national de l’Équipe de France de paratriathlon pour la Fédération Française de Triathlon. De retour de Tokyo après le Test Event, cet ancien triathlète de haut niveau nous partage son expérience japonaise, à un an des Jeux Paralympiques. Entretien…

Comité Paralympique et Sportif Français : Quelles sont les principales missions de votre poste au sein de la Fédération Française de Triathlon ?

Nicolas BECKER : « La mission ultime est de préparer les athlètes pour qu’ils soient performants aux Jeux Paralympiques et qu’ils obtiennent des médailles. Mon rôle est d’être le manager du collectif et de superviser tous les “étages de la fusée“.
Jusqu’à présent, je travaillais également sur la détection de futurs athlètes pour cette Équipe de France. Maintenant j’ai de plus en plus de collègues qui viennent m’épauler sur ce sujet.
La détection est une notion cruciale pour nous car dans la réalité, on voit que le passage du repérage aux collectifs de préparation pour les grands événements peut être assez rapide.
C’est important pour moi, d’avoir une vue sur tout ce qu’il se passe au niveau du paratriathlon. J’apprécie beaucoup d’avoir un rôle plus large dans le domaine du sport paralympique en France. Depuis les Jeux de Rio nous avons pu tisser des liens avec Jean Minier et les collègues entraîneurs des autres disciplines paralympiques. Je me sens investi au sein de l’équipe de France Paralympique dans une mission collective.

Ma principale mission est donc de conduire l’Équipe de France tout au long du calendrier de compétitions. Pour ce faire, je dois programmer des stages où l’on se retrouve tous entre 4 et 5 fois par an, être en relation avec les athlètes, leurs coachs personnels et parfois leurs prothésistes ou encore les personnes qui s’occupent d’eux au quotidien tout en étant capable de gérer l’encadrement sur toutes les compétitions importantes de notre calendrier.

En tant qu’entraîneur national, j’ai également un rôle de gestion pour construire et suivre un budget qui va nous permettre d’être dans les meilleures conditions tout au long de la saison pour être le plus performant possible. »

CPSF : Le paratriathlon était dernièrement à Tokyo pour le Test Event. Sur le plan sportif, quel le bilan de cette épreuve ?

Nicolas BECKER : « Sportivement, nous avions mis un point d’honneur sur la répétition. Je m’explique : être en mesure de répéter le déplacement vers Tokyo avec une arrivée au Japon au moins dix jours avant, de gérer la logistique sur place, le camp d’entraînement et de pouvoir favoriser les entraînements sur place jusqu’au dernier moment. Toutes ces choses ont bien fonctionné et ça a été une réussite parce qu’on a pu aborder de la meilleure des manières le Test Event avec les athlètes présents.
La question de la chaleur était une donnée importante à appréhender et nous avons constaté que les athlètes avaient plutôt bien réagi. C’est un élément important pour nous.

En ce qui concerne les résultats, nous n’avions pas spécialement fixé d’objectifs. Nous étions plus dans la découverte et l’observation du parcours, de la course… nous rentrons  satisfaits avec deux podiums sur quatre paratriathlètes engagés (trois athlètes plus un guide).

Le Test Event nous a obligé à effectuer des ajustements de dernières minutes. Compte tenu des conditions sur place, il y a eu un changement de programme et de courses : une inversion des  horaires de départs entre la catégorie “fauteuils“ et celle des “tandems“ et la partie de natation a été annulé en raison de la qualité de l’eau. Les organisateurs n’avaient pas du tout envisagé ce plan là car jusqu’à présent, l’eau était déclarée comme “bonne“.
Quand tout ça se fait entre cinq et six heures du matin, ça stresse les encadrants et athlètes. Cela a été très formateur pour les athlètes mais aussi pour le staff, car cela peut tout à fait se passer au moment des Jeux Paralympiques. Il a fallu s’adapter et l’ensemble du collectif à bien réagi. C’est une satisfaction !
Si l’on y ajoute l’enjeu des Jeux Paralympiques, il nous faudra être attentif à ce que ce type d’événements ne déstabilise pas nos athlètes. »

CPSF : Comme le nom l’indique, il s’agit d’une compétition test. Quels sont les premiers enseignements à retenir ?

Nicolas BECKER : « Ce que je retiens dans un premier temps, c’est le site exceptionnel de la compétition. C’est très urbain mais, faire un triathlon dans la baie d’Odaiba donne un rendu visuel magnifique.
C’est un parcours assez sollicitant avec un dénivelé plus important qu’à Rio : il y a une petite rampe à monter en course à pied et des allers-retours à effectuer sur un pont en vélo.

Le duo Arnaud Grandjean et Toumy Degham | ©ITU

Ensuite, nous avons le sentiment que nos choix stratégiques sont les bons avec un camp d’entraînement situé à 2h de Tokyo. Il nous permet d’être au calme tout en étant relativement proche du lieu de compétition, de diminuer les soucis de logistiques et d’arriver au dernier moment sur Tokyo.
Une fois sur place, nous avons repéré un bassin pour s’entrainer en natation, nous avons un circuit pour le vélo… nous sommes rassurés par rapport à ces notions. Nous avons pu sécuriser des sites d’entraînements et des moyens pour appréhender la course correctement.

Au sujet de la météo, nous avons eu une course où il faisait plus de 30°C avec un taux d’humidité compris entre 60% et 70%. C’est déjà dur physiquement mais on sait que cela peut être bien pire.
Finalement, une des notions que nous n’avions pas trop envisagée, parce qu’on nous parle tellement de chaleur et d’humidité, c’est que nous pouvons aussi avoir des orages et faire la course sous la pluie. Lors des Jeux Paralympiques, nous serons en pleine période de typhon. Il nous faut donc anticiper la possibilité de courir dans de mauvaises conditions.

CPSF : Cette épreuve va t’elle modifier le mode d’entraînements des paratriathlètes pour être mieux armés face aux difficultés rencontrées ?

Nicolas BECKER : « Le fait d’avoir concouru sous un format duathlon (vélo et course à pied) nous fait réfléchir. On va essayer d’introduire cette notion dans la programmation de nos athlètes parce que c’est une des possibilités à Tokyo. On ne peut pas improviser et il va falloir le préparer.

Concernant la chaleur, nous allons davantage prendre en compte cette donnée, puisque nous avons observé des malaises chez certains des athlètes étrangers. Nous allons donc continuer de travailler en chambre de chaleur, nous allons confirmer un stage à la Réunion pour le mois de novembre où nous allons retrouver de la chaleur humide, avec la possibilité d’y retourner au mois de mars. Il s’agit à la fois pour continuer de s’habituer à la chaleur mais aussi d’ancrer des habitudes pour des athlètes qui n’ont pas encore tous les bons réflexes. À Tokyo, nous avons relevé énormément d’informations, notamment par l’intermédiaire de tests urinaires, ce qui nous a permis de voir que certains n’étaient pas assez hydratés. Avec l’appui des collègues investis auprès de l’équipe olympique, nous avons effectué une batterie de tests sur place comme le suivi de la chaleur corporel en course : très instructif ! »



CPSF : La saison n’étant pas terminée. Quelle est la prochaine étape du collectif français ?

Nicolas BECKER : « Dès dimanche 1er septembre, nous serons aux Championnats du Monde à Lausanne en Suisse où, l’année dernière, nous avions eu trois médaillés. Ils sont encore présents cette année et encore capables d’aller chercher une médaille. Nous souhaitons remplir ce premier contrat.

Nous avons également beaucoup d’athlètes qui vont concourir pour l’obtention du quota aux Jeux Paralympiques. Non pas leur sélection mais le quota.
La course du Championnat du Monde est la course qui attribue le plus de points pour la qualification aux Jeux. Tous ceux qui vont réussir un Top 5, voir un Top 6 vont quasiment assurer un quota pour la suite. C’est donc très important de faire une place d’honneur, même si le podium n’est pas possible, pour eux, ce jour-là. 

Ensuite, nous avons une grosse attente sur la catégorie tandem où nous n’avions aucun  représentant l’année passée. Nous avons cette année, une femme et trois garçons, qui sont très performants et qui peuvent créer une belle surprise sur cette compétition et les championnats d’Europe qui auront lieu 15 jours après.
Nous sommes en train de devenir une nation forte du tandem alors qu’il y a encore un an, nous n’étions pas présents.

Les Championnats d’Europe auront lieu à Valence le 14 septembre. On a donc une année qui est portée sur cette fin de saison où tous les principaux objectifs sont au mois de septembre. C’est assez sollicitant et c’est pour ça que nous avions fait un gros stage à Bourges, sur une quinzaine de jours pendant l’été. »