Marie Bochet intouchable !
La skieuse du Beaufortain, quadruple médaillée paralympique à Sotchi en 2014, a réitéré son exploit des Championnats du monde de 2013 à La Molina en réalisant de nouveau le grand chelem au cours des Mondiaux qui se déroulaient à Panorama (Canada) du 28 février au 10 mars dernier ! Rencontre avec cette championne que rien n’arrête…
Si tu devais te décrire en quelques mots…
Je dirais que je suis insatiable, perfectionniste et… heureuse !!
Tu viens de cumuler 11 médailles d’or consécutives aux Championnats du monde depuis Sestrières en 2011, comment vis-tu tout cela ?
Toutes les médailles n’étaient pas les mêmes. Celle de 2011 à Sestrières était la première de ma carrière et elle est arrivée après de multiples péripéties notamment sur le super Combiné où je m’étais retrouvée à l’hôpital. Elle m’a également fait beaucoup de bien puisqu’elle est arrivée après les Jeux Paralympiques de Vancouver où je n’avais pas réussi à monter sur le podium, ce qui avait été très frustrant !
Lors des mondiaux de la Molina en 2013, je commençais à être bien performante, notamment grâce à ma médaille à Sestrières et ce fut fabuleux de réussir à faire le grand chelem mais c’était aussi une surprise, la preuve que je pouvais jouer sur toutes les disciplines, même sur les épreuves de vitesse, où je doutais beaucoup.
Ensuite il y a eu les Jeux Paralympiques de Sotchi… Même si ça n’a pas été le grand chelem, ça a été juste incroyable car 4 médailles d’or ce n’est pas rien ! Je pense que même si j’en avais obtenu une seule, ça aurait déjà été superbe.
Pour terminer sur mon aventure canadienne à Panorama du mois dernier, je dirais que c’est une confirmation et cela montre que je n’ai pas eu de « coup de chance » à Sotchi ! C’est aussi la preuve que j’arrive à rester au meilleur de mon niveau même après une année bien chargée et… j’ai toujours cette envie de me dépasser donc c’est plutôt un bon signe.
Tes chronos à Panorama étaient impressionnants et tu étais loin devant tes adversaires…
Je dois avouer que les écarts de temps m’ont vraiment surprise parce que les chronos étaient très resserrés à Sotchi. En vitesse, je savais que je devais donner le meilleur car à la moindre petite erreur ça pouvait basculer sur une médaille d’argent ou sur aucune médaille; donc c’est vrai que les écarts en Descente ou en Super G m’ont vraiment étonnée ! J’en ai parlé avec un coach canadien qui a eu les mots justes en me disant « ce qui me plait dans ton ski c’est que malgré le manque de compétitions et bien tu engages toujours à 100%.”
J’ai eu le privilège d’ouvrir le premier entraînement de descente de Coupe du monde à Val d’Isère en décembre, et je pense que cela a vraiment été bénéfique car j’ai pris confiance et je suis arrivée sur les courses bien plus détendue.
As-tu eu de l’appréhension notamment au départ du slalom, seule épreuve sur laquelle tu as échoué à Sotchi ?
La course de slalom a été la plus compliquée de tous les mondiaux et c’est celle sur laquelle je me suis fait le moins plaisir. Ca faisait longtemps que je n’avais pas eu peur au départ d’un slalom et sur la première manche je n’ai clairement pas engagé, mon objectif étant vraiment d’arriver en bas. Il s’est avéré que c’était ce qu’il fallait faire car les conditions étaient compliquées et quasiment 50% sont sorties au cours de la première manche. Je pense que l’expérience de Sotchi m’a été très bénéfique ce jour-là car au départ je me suis dit « bétonne, sur-bétonne, coule la dalle ». Je ne me faisais pas d’illusions quant à l’écart de temps mais je ne pensais tout de même pas terminer deuxième sur cette première manche donc ça m’a un peu bousculée et remobilisée pour la suite où la neige était moins dure, le tracé plus adapté et j’avais repéré les endroits ou je pouvais me relâcher donc mieux skier. J’avais réussi à conjurer le sort de la première manche des Jeux de Sotchi et c’est vraiment là que j’ai vu que ma chute m’a aidée à me construire.
T’étais-tu plus concentrée sur la préparation du slalom suite à Sotchi ?
Non au contraire, ça m’avait un peu dégoutée car c’est une discipline qui m’a un peu boudée alors que jusqu’à présent elle me réussissait.
Je tombe à Sotchi alors que tout le monde me voyait gagner avant le départ. Le slalom, c’est une discipline très difficile car la moindre petite erreur ne pardonne pas et tu es vite dehors sans avoir le temps de comprendre ce qu’il s’est passé. Je n’avais presque plus l’envie d’en faire… mais j’avais la volonté de progresser dans les autres disciplines. J’ai donc beaucoup travaillé sur l’engagement, notamment en vitesse, et ça m’a fait du bien d’arrêter d’être focus sur cette discipline ; ça m’a permis d’ouvrir mes horizons.
Ton état d’esprit avant une course ?
Après la période d’échauffement, la dernière chose que je me dis c’est « fais-toi plaisir et fais chanter la neige » ! C’est Grégory Nouhaud, le guide de Nicolas Berejny qui disait ça à chaque départ.
Un mot sur l’ensemble du team France et sur Frédéric François qui a fait de beaux résultats au Canada ?
C’était un peu compliqué car on sortait d’une année paralympique où tout le monde était à bloc, et nous étions en effectif resserré car certains avaient arrêté après les Jeux. On a dû travailler et vivre ensemble différemment et changer un peu nos habitudes.
Et puis il y a eu Fredo, gros bosseur, qui a réussi à concrétiser tout son travail pour décrocher deux belles médailles tellement méritées ! Du coup ça fait vraiment plaisir et ça annonce la continuité de sa carrière….
Tes objectifs pour la suite ?
Les championnats de France aux Rousses ont été un bel événement, ça m’a fait du bien de retrouver le circuit national. On a également pu revoir Vincent Gauthier-Manuel (porte-drapeau à Sotchi) qui nous a bien manqué cette saison pour cause de blessure.
2016 sera une saison bien plus tranquille car il n’y aura ni Mondiaux ni Jeux Paralympiques mais uniquement des Coupes du monde, donc un petit peu plus relax et ça ne va pas faire de mal ! Mais je ne me relâche pas pour autant et j’irai toujours chercher un peu plus loin mais en priorisant un peu plus les études que le ski pour l’année prochaine.
Un message à faire passer ?
On a une belle équipe qui tourne bien mais qui est un peu en mal de nouveaux… donc mon message serait « un appel à la relève » !
BIOGRAPHIE
Age : 21 ans, née le 9 février 1994 à Chambéry
Club : Albertville Handisport
Handicap : malformation membre supérieur
Profession : étudiante
PALMARES
2015
Quintuple championne du monde
(Descente, Slalom géant, Slalom spécial,
Super combiné et Super G)
Jeux Paralympiques Sotchi 2014
Quadruple championne paralympique
(Descente, Super combiné, Super G, Géant)
2013
Quintuple championne du monde
(Descente, Slalom géant, Slalom spécial, Super combiné et Super G)
2012-2013
1ère au classement général coupe du monde
2011
Championne du monde sur le Slalom géant et par équipe
Vice-championne du monde en Descente et Super Géant
Jeux Paralympiques Vancouver 2010
4e en Slalom et Super Combiné
© G.Picout – B.Loyseau – FFH
Fédération Française Handisport