23 août 2017

« Les Jeux vont faire gagner vingt-cinq ans à la cause du handicap »

En 2024, la capitale devrait être accessible à tous, espère la présidente du Comité Paralympique.

Le logo officiel de la candidature parisienne a beau ne faire référence qu’à la dimension olympique de Paris 2024, les meilleurs athlètes paralympiques seront une -dimension essentielle de la réussite éventuelle des Jeux. Médaillée de bronze en  2004 en escrime fauteuil, la présidente du Comité paralympique et sportif français, Emmanuelle Assmann, milite pour des Jeux divers qui améliorent la situation du handicap en France.

Même si le logo de la candidature -parisienne pour 2024 ne mentionne que les Jeux olympiques, êtes-vous satisfaite de la place accordée au mouvement paralympique ?

Nous sommes très impliqués au sein du comité de candidature. Avec Tony Estanguet – coprésident de Paris 2024 –, on se connaît depuis un moment puisque nous faisions partie du Team EDF, mixte entre athlètes olympiques et -paralympiques. Bien que le mot « paralympique » soit généralement peu employé, tous les acteurs, de la Ville à l’Etat, insistent sur l’unité dont nous sommes parties prenantes et qui fait notre force.

Le paralympisme a-t-il une place différente par rapport à la candidature pour 2012 ?
Je vois la différence dans le degré d’implication des athlètes paralympiques. A chaque déplacement, il y a au moins un ou deux représentants. On ne parle pas que du paralympique mais aussi de la question du handicap : on veut que les Jeux soient accessibles à tous, dans les lieux de célébration ou dans les stades.

 

L’organisation des Jeux suscite beaucoup de critiques quant à leur réelle utilité pour la société civile. Peuvent-ils vraiment servir la cause du handicap en France ?

Oui, d’ailleurs les éditions précédentes apportent la preuve de l’impact que cela peut avoir. Cela a été flagrant à Pékin où, avant les Jeux 2008, les gens en situation de handicap vivaient cachés dans les -familles. Tout à coup, les champions paralympiques ont été vus comme des héros. A Londres, le Team Great Britain était mixte. Les Jeux paralympiques de 2012 ont été un vrai tournant, avec des stades remplis. Alors que l’on voit que les lois sur le handicap sont reportées d’année en année, les Jeux 2024 vont nous faire gagner vingt-cinq ans en termes d’infrastructures et d’accessibilité ! Pouvoir dire que l’on va accueillir le monde entier en  2024 est un véritable levier. Il n e faut pas être non plus utopique : tout le métro parisien ne sera pas accessible mais l’objectif est d’avoir au moins un quadrillage efficace. Par exemple, toutes les nouvelles lignes du Grand -Paris seront accessibles.

N’avez-vous pas le sentiment que les athlètes paralympiques sont la bonne conscience de Jeux qui brassent beaucoup d’argent ?
Beaucoup de sportifs olympiques ne sont pas des stars et ne gagnent pas leur vie grâce à leur discipline. Certains sont médiatisés uniquement en cas de médailles. Après, il est vrai que le mouvement paralympique possède des valeurs dont on peut être fier. Nos athlètes n’ont pas un parcours de vie simple et ils arrivent à dépasser leur singularité. Ce n’est pas parce que l’on n’est pas grand et en bonne santé que l’on ne peut pas être -reconnu pour ses performances.

A 20 ans, à l’hôpital, on m’a expliqué toutes les choses que je ne pouvais plus faire. J’ai poussé la porte d’un club d’escrime et un maître d’armes m’a dit que c’était à moi d’écrire ce que je pouvais encore faire. J’ai découvert qu’il pouvait naître de ce corps-là un vrai plaisir à faire une activité sportive.

Le handicap mental est l’enfant pauvre du mouvement paralympique. Paris 2024 va-t-il essayer d’améliorer cette réalité ?
Il y a deux membres fondateurs au sein du Comité paralympique : le handisport et le sport adapté – consacré aux handicapés mentaux –, qui a effectué son retour aux Jeux en  2012 après sa suspension (pour un cas de tricherie en  2000). Il n’est pas simple de classifier les handicaps mentaux, même si cela progresse. En  2024, on travaillera avec le Comité paralympique international pour que tous les types de handicaps soient présents. Et on fera aussi en sorte que tous les publics puissent assister aux compétitions grâce aux bénévoles.

 

L’enjeu de Paris 2024 n’est-il pas plus fort pour le sport paralympique que pour le sport olympique ?
Il existe un fossé -entre ces deux dimensions. Pour 1 euro dépensé dans la préparation d’un athlète paralympique, 20  euros le sont pour un athlète olympique. On a de la marge, donc le développement va être plus fort chez nous. Il y a des signes positifs : récemment, le ministère a versé 1  million d’euros supplémentaire. Nous avons besoin d’un soutien financier et d’une expertise pour encadrer les 22 disciplines. Nos entraîneurs sont des bénévoles, ils doivent prendre des congés payés ou des congés sans solde. A Paris, toutes les équipes de France seront qualifiées directement et il faudra que l’on soit compétitif dans des sports collectifs comme le goalball – sport de ballon pour déficients visuels  ou le volley assis. Il y a encore du travail pour rejoindre les meilleures nations paralympiques.

Propos recueillis par Anthony Hernandez,
supplément du journal Le Monde – 15 août 2017

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